dimanche 28 avril 2013

LA GUERRE EST-ELLE FINIE DANS L'EST DE LA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO ?




La guerre est-elle  finie dans l’Est de la République démocratique du Congo ?
Une lecture des événements du mois de mars 2013
Par Kä Mana

            Pour un observateur attentif au drame de l’est de la République démocratique du Congo, le mois de mars 2013 aura été le mois de toutes les surprises. Tout s’y est accéléré à une vitesse tellement vertigineuse et selon des virages tellement inattendus que les clés d’interprétation et les boussoles de compréhension de la situation se sont affolées et brisées, laissant les chercheurs et les penseurs dans un désarroi d’inconnaissance indicible.

Un imbroglio digne des polars les plus noirs
            Il m’a fallu beaucoup de temps pour saisir le sens de la dislocation du M23 en deux factions antagonistes dont l’une fait aujourd’hui figure d’être du bon côté de l’histoire pendant que l’autre s’enfonce dans le trou noir du sort réservé aux vaincus.
J’ai mis également du temps à comprendre les virages que les pourparlers de Kampala prenaient soudainement en devenant des négociations futiles et erratiques. Des échanges sans perspectives claires d’une paix des braves ni solutions de sagesse pour une nouvelle vision du développement du pays.
De même, les déflagrations militaires et l’action des milices sont allées dans tous les sens. A Kiwanja par exemple, de nouveaux massacres se sont perpétrés dans un contexte où se sont effondrées les grilles ethniques d’interprétation habituelle du drame congolais. Du côté des FARDC comme du côté des milices locales, on retrouvait les ressortissants des tribus  différentes sans que les enjeux politiques du problème ne soient non plus clairement perceptibles A Rutshuru, on a vu le M23 se retirer de la ville, remplacé par les FDLR puis par les FARDC avant que celles-ci laissent de nouveau la place au M23, dans un jeu de chaise musicale dont l’imbroglio a laissé pantois les meilleurs des analystes. On a entendu le gouvernement de Kinshasa justifier cette danse macabre dont souffrent atrocement les populations par l’exigence d’une realpolitiks pour pousser le M23 à s’auto-dissoudre et permettre à une armée interafricaine neutre d’occuper l’espace laissé libre. Cela dans la perspective  d’anéantir les autres milices pour une paix dont Kinshasa récolterait les dividendes avec allégresse et jubilation. Pour tout brouiller encore, l’ennemi public numéro un du Congo, recherché par le Tribunal pénal international depuis 2006 pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, Bosco Ntaganda, s’est rendu aux Américains dans leur Ambassade de Kigali avant d’être transféré à la Haye, dans des tintamarres médiatiques dignes des plus grands événements du monde.    
 Alors que l’on se serait attendu à l’application pure et simple du schéma de sortie de guerre élaborée à Addis-Abeba sous l’égide de Baan-Kimoon et des Nations Unies, tout prenait des chemins insoupçonnés dans des rencontres entre Chefs d’Etat de la région, sans que les populations sachent vraiment ce qui se trame entre le Rwandais Kagamé, l’Ougandais Museveni et le Congolais Kabila. Dans une diplomatie de l’ombre d’où les peuples et leurs représentants sont majestueusement exclus, les populations subissent le joug d’une politique opaque, comme si elles n’avaient rien à dire ou à faire pour construire un ordre de paix dans la Région des Grands Lacs. L’ostracisme ainsi imposé au peuple dans un débat qui concerne son existence même complexifiait encore la situation dans l’est de la RDC et la rendait opaque pour l’intelligence.
D’où certaines questions incontournables : où en est-on dans la recherche des solutions à la tragédie de la RDC ? Quelles sont les stratégies des protagonistes de cette tragédie ?  Que peut-on attendre de toutes les rencontres visibles ou occultes et de tous les accords clairs ou tacites qui rythment la vie des chercheurs de paix au Congo ?
Bref : en quoi réside la signification fondamentale d’une guerre qui, sous ses diverses formes et dans ses diverses phases, a fait plus de six millions de victimes, selon les estimations les plus pessimistes.

Quand un Français et un Chinois m’ouvrent les yeux
Je me posais affreusement toutes ces questions quand les lumières pour les comprendre et les dénouer me vinrent de manière inattendue.
La première lumière descendit sur moi au bord du fleuve Congo, à la tombée d’une nuit chaude sur la ville de Boma, dans un vieux restaurant dont la vue donne sur l’autre rive, en territoire angolais. Je lisais un livre d’un des penseurs français les plus solides, les plus brillants, les plus féconds et les plus rayonnants : Edgar Morin. Le livre a pour titre Introduction à une politique de l’homme. Entre deux gorgées succulentes de la bière Nkoy dont j’avais pris soin de choisir la bouteille soft, moins alcoolisé, que l’on désigne par le nom de « Nkoy yaMuasi » (pour la femme), bien différente de la bouteille hard, fortement plus alcoolisé, qui se nomme « Nkoy yaMobali » (pour l’homme), mes yeux tombèrent sur la phrase suivante du grand penseur français : « Il faut garder le regard froid en toutes circonstances, mais en toutes circonstances regarder vers les profondeurs et vers les horizons ».
Je compris : c’est vers les profondeurs et vers les horizons qu’il fallait me tourner pour dénouer l’écheveau des événements vertigineux dont j’étais témoins en ce mois de mars 2013.
Les profondeurs ? Il est bon d’entendre par là la zone où la réflexion se confronte aux significations que l’on ne voit pas d’emblée quand on s’en tient aux discours convenus des vulgates officielles des gouvernements ou aux rumeurs de la radio trottoir. Saisie de cet espace, les événements montraient les guerres de l’est de la RDC dans leurs caractéristiques que le mois de mars 2013 a manifesté dans leur acuité. Notamment :
-          La stupidité des conflagrations qui ont coûté la vie à plus de six millions de morts, pour aboutir à des accords dont on se demande s’il fallait leur sacrifier  tant de victimes et tant de souffrances. Seules des élites sans connaissance des enjeux du développement dans le monde actuel ont pu faire durer une telle absurdité sur deux décennies.
-          La superficialité des politiques menées dans la région des Grands Lacs africains depuis de longues années. A force de ne s’accrocher qu’aux intérêts de la conquête du pouvoir et de sa conservation le plus longtemps possible, dans les archaïsmes des frontières issues de la colonisation ou dans les arriérations liées à l’exaltation des idiosyncrasies ethniques stériles ; à force de ne penser qu’aux ressources naturelles ou à la politique du ventre et de la jouissance, on oublie toutes les exigences incontournables d’une gouvernance efficace en contexte de mondialisation : la démocratie participative, la constitution des espaces économiques et politiques de grande envergure, l’intégration de ces espaces dans de grands marchés et l’indispensable ouverture de tous les pays à la compétition planétaire.
-          L’insignifiance de toute culture du mépris, de la haine ou de la destruction des autres dans des guerres qui ne peuvent conduire à aucune victoire, tant elles n’ont aucun sens défendable, aucun projet de plénitude de vie, aucun pouvoir créateur de nouvelles possibilités d’être ou de nouvelles richesses d’existence.  
En fait, avec les événements de ce mois de mars 2013, il est devenu clair que la guerre dans l’est de la RDC a été menée dans une crise anthropologique profonde, par des hommes qui n’ont pu incarner ni la vraie grandeur de l’Homme, ni la force de haute humanité, ni les énergies des utopies chargées d’avenir. Nous avons vécu une guerre médiocre, dans l’imaginaire des médiocres, sans aucune puissance de vision qui aurait pu faire passer l’Afrique d’une vie centrée sur les petits intérêts de tous les jours à une existence élevée à la hauteur de grandes visées de civilisation. Quand on lit attentivement les accords qui ont été signés autour de la guerre, les pourparlers qui se sont déroulés et les débats qui ont agité les esprits, on ne peut pas se départir du sentiment que tout cela manque un peu de souffle, que tout cela manque de Sens, que tout cela relève des absurdités petit-nègre dans un monde dont les Africains des Grands Lacs ne comprennent ni le souffle ni le Sens.
C’est en pensant aux significations des mots souffle et sens que je comprends ce que le penseur français Edgar Morin désigne par le concept d’horizon. Il y a eu dans l’histoire de l’humanité des guerres qui ont eu du souffle et du sens, malgré leurs barbaries, leurs sauvageries, les prix des défaites ou des victoires. Elles conduisaient quelque part et travaillaient les énergies profondes d’enfantement de l’Histoire, dans le développement de l’Esprit, comme aurait dit Hegel. Les révoltes des esclaves dans l’Empire romain comme l’expansion même de l’Empire pour constituer un monde nouveau ; les guerres anticoloniales et les mobilisations des énergies du mal par les colonisateurs pour défendre leur règne ; les deux grandes guerres mondiales et leur libération d’énormes énergies de puissance irriguée par la science et la technique ; la longue marche de l’armée communiste en Chine et l’énorme pouvoir de la victoire vietnamienne sur les Etats-Unis ; ces déflagrations ont eu un sens parce qu’elles ont ouvert de nouvelles possibilités d’être qui ont enrichi l’humanité. Ce sont ces nouvelles possibilités d’être que désigne le mot horizon. Avec leurs richesses et leur limon. Avec leurs espérances et leur intensité vitale.
En ce mois de mars 2013, nous avons compris que la guerre dans l’est de la RDC n’a eu rien d’une telle dimension d’ouverture d’horizon.
Pour n’avoir été qu’un aventurisme qui ne mène nulle part , malgré l’agitation des armées, des milices et des groupes de désastre, cette guerre a perdu tout potentiel de sens et a explosé dans ses propres contradictions. Ce que nous avons vu tout au long de ce mois de mars 2013, ce sont les spasmes d’un conflit armé à l’agonie. L’agonie d’une guerre dont tout le monde découvre maintenant qu’elle n’avait ni âme ni grand dessein. 
Lorsque cette certitude m’est venue à l’esprit à la lecture de Morin, je me suis mis à chercher à faire le bilan de cette guerre que je considère comme maintenant achevée dans son absurdité même.
C’est à ce moment précis, dans un hôtel cossu de la ville de Kinshasa où je me préparais à une émission télévisée sur le nouveau livre que notre Institut interculturel dans la région des Grands Lacs (Pole Institute) était venu baptiser et présenter dans la capitale, que j’eus sous mes yeux le premier discours du nouveau président Chinois, Xi Jimping, sur le sol africain. Le livre dont Pole Institute voulait promouvoir les thèses dans les milieux kinois a pour titre : Gouvernance et refondation de l’Etat en République démocratique du Congo. Il s’agit de tout un programme pour une nouvelle politique au Congo. Quant au discours du président chinois, j’y voyais pour ma part le manifeste pour le développement pacifique, une grande utopie que la Chine propose à l’Afrique et au monde à partir de maintenant.
Du double point de vue de la réimagination politique du Congo et de la construction d’une logique globale du développement pacifique, le mois de mars 2013 m’apparaissait comme une accélération de l’histoire pour mettre en lumière ces impératifs. Les accords et les pourparlers sur la guerre dans l’est de la RDC et sur la situation globale du pays dévoilaient une double prise de conscience.
D’abord la conscience qu’il n’est dans l’intérêt de personne de continuer une guerre qui détruit l’Etat congolais et fragilise l’ensemble de la région des Grands dans ses espoirs de développement. Cette conscience s’est internationalisée à vue d’œil et les protagonistes de la guerre de l’est ont dû comprendre que leurs stratégies du désordre et du chaos faisaient justement désordre et chaos dans un ordre mondial dont les intérêts refusent de plus en plus une telle perspective. L’accord d’Addis-Abeba a clairement exprimé ce sens qui casse les reins à l’accoutumance au désordre et au chaos pour de nouveaux horizons dans les visées du monde entier sur le Congo. La guerre a cessé d’être une affaire de nègres manipulés par les forces de petites mains des groupes d’intérêts occultes en Occident pour devenir un enjeu vraiment mondial pour les grandes puissances du monde. A ces puissances, la Chine propose un développement pacifique qui exige une mise en ordre pacifique du Congo, dans une nouvelle sagesse politique plus rentable que les carnages entre petits nègres inconscients et déments.
 Devant une telle utopie, le jeu se déroule dans la cour des Grands, au-delà des intérêts de ceux qui avaient cru jusqu’ici qu’ils en étaient les maîtres aux plans local, national ou régional, en Afrique même. En prenant une ampleur mondiale, la guerre dans l’est du Congo a ainsi échappé aux logiques des petits acteurs qui la faisaient jusqu’ici. Elle n’est plus entre les mains du Congo, du Rwanda et de l’Ouganda, mais sous le chapiteau des organisations internationales.
Ensuite, on se rend compte maintenant que la guerre est devenue une guerre d’images entre les protagonistes dans le monde et que les peuples du Congo, du Rwanda et de l’Ouganda sont fatigués des carnages insensés dont le monde entier parle avec une vigueur implacable dans des rapports tonitruants qui ne laissent personne dans l’indifférence. Avec les yeux du monde entier braqués sur l’est de la RDC, le gouvernement congolais se voit dans le miroir du monde et voit que son image y est des plus minables et des plus exécrables. De même, le Rwanda constate que son image mondiale se dégrade vertigineusement et que l’effet génocide a perdu de sa charge mobilisatrice devant les six millions de victimes de la guerre de l’est du Congo. L’Ouganda est logé à la même enseigne et ses marges de manœuvre dans la manipulation de la conscience mondiale se sont rétrécies de manière inquiétante. Continuer la guerre dans ces conditions serait un suicide médiatique dont aucun des protagonistes ne peut se permettre le luxe. Le vrai intérêt, c’est de changer de logique, par intérêt bien compris et par instinct de conservation et de survie politiques.
Même les grands trusts industriels et les grandes firmes commerciales d’Occident, qui tiraient profit de la guerre dans l’est de la RDC, ont compris que les temps ont changé, que l’air du temps n’est plus le même et que les gouvernements des pays occidentaux constamment accusés de devenir des Etats voyous en RDC ont changé de discours et se préparent à changer de politique, dans la perspective d’une meilleure image mondiale et des intérêts bien compris.
En lançant le brillant slogan du développement pacifique, la Chine prend l’Occident de court et offre une utopie dont la région des Grands Lacs a intérêt à s’approprier l’esprit et les méthodes. La guerre ne sera plus désormais une recette à l’est du Congo. La recette sera éthique et son enjeu sera la réussite médiatique. Tel est le nouveau contexte et il dominera désormais l’avenir.
Le Rwanda l’a compris : il a fait imploser le M23 et a livré Bosco Ntaganda aux Américains, dans un génial coup de Jarnac politique et médiatique. Il peut dès lors commencer son mandat à la tête du Conseil de sécurité avec une virginité retrouvée, un hymen recousu qui attirera de nouveau l’aide internationale dont le pays a besoin en ces temps difficiles de crise financière mondiale. Ce n’est plus la guerre qui l’intéressera en RDC, mais la paix du marché, l’ordre des intérêts commerciaux que seul garantit une éthique du développement pacifique.
L’Ouganda aussi a compris le nouvel air du temps : il veut réussir son rôle de médiateur entre Congolais et de pacificateur de l’est de la RDC. Il  a intérêt à le faire pour se débarrasser de l’image de prédateur qui lui colle à la peau dans ses relations avec les Congolais. Il lui faudra une nouvelle politique de coopération avec son grand voisin sur des dossiers brûlants comme celui du pétrole du lac Albert. Sa nouvelle virginité dans les relations mondiales dépend de cette nouvelle orientation de séduction et de fascination. La guerre ne lui rapportera rien. Seule la paix le fera et les dirigeants ougandais le savent.
Quant à la RDC, elle a compris que le statut de petite victime qu’elle s’est donnée pendant la guerre ne suffira plus pour réussir une politique de paix et de développement pacifique. Il lui faut devenir un Etat sérieux, avec des dirigeants sérieux, dans une gouvernance sérieuse et une substance politique sérieuse de démocratie et de décentralisation. Le dialogue entre toutes les forces vives de la nation, sans exclusion d’aucune sorte, est la condition pour que le pays devienne crédible dans le concert mondial. Le pouvoir actuel de Kinshasa l’a compris, même s’il n’a pas encore intériorisé toutes les exigences d’un tel dialogue et qu’il le réduit à un petit jeu politico-politicien qui ne mènera nulle part.
Au fond, les horizons sont bons et l’avenir sera fertile, malgré les barouds d’honneur de petites milices et des groupes armés qui n’ont pas encore vu clairement où va le vent de l’histoire maintenant.  

Changer les imaginaires, constituer les nouvelles forces du sens
Il faut maintenant oser dire ce dont il s’agit vraiment comme enjeu à la fin de la guerre de l’est du Congo. Quelles sont les leçons à tirer de ces longues années de souffrances insensées ?
La première leçon est que les intérêts des peuples doivent désormais primer sur les intérêts des dirigeants, surtout quand ces dirigeants ne comprennent pas que la paix est plus vitale que la guerre. Il faut en conclure que dans la région des Grands Lacs, la guerre dans toutes ses translations aura converti les pouvoirs politiques au réalisme des intérêts populaires. On doit l’espérer, surtout en ce moment où il devient évident que la politique de la guerre n’a donné aucun résultat probant pour tous les protagonistes. Kabila, Kagamé et Museveni ont vécu les périodes de guerre et ils en connaissent maintenant l’inanité. Ils souhaiteront sans doute vivre un temps de paix et ils en comprendront la fécondité dans le contexte mondial maintenant hostile à la guerre du Congo. S’ils ont senti, au mois de mars 2013, le besoin de se rendre à Oyo autour de Sassou Nguesso pour discuter de la situation de l’est de la RDC et du destin des pays des Grands Lacs, c’est le signe qu’ils commencent à comprendre vers où souffle le vent de l’avenir : le vent de la paix, le temps du sérieux, la fin de tous les aventurismes. Je souhaite qu’ils se convertissent à ce nouveau souffle et qu’ils changent d’imaginaire, maintenant que la guerre est finie.
            La deuxième leçon, c’est l’Occident dans ses forces prédatrices et ses institutions de domination du monde qui devra la tirer. Le temps des guerres commanditées pour semer le chaos est fini. Ces guerres n’enrichiront plus vraiment leurs commanditaires dans le futur. Elles sont archaïques et obsolètes, surtout quand la montée en puissance de la Chine offre une nouvelle utopie aux peuples d’Afrique : l’utopie du développement pacifique. Il appartient à l’Occident d’entrer dans cette utopie en changeant d’imaginaire. Faute de quoi il perdra son hégémonie mondiale au profit des puissances émergentes qui misent plus sur la paix que sur la guerre. 
La troisième leçon, il revient au peuple congolais de la tirer de son drame, de ses souffrances et de ses tragédies. Au bout de son chemin de croix, il a su en ce mois de mars 2013 quelle est sa place dans le monde selon la classification des pays d’après les indices du développement humain. Cette place est la dernière. Oui, la RDC est le dernier pays du monde dans les indices du développement humain aujourd’hui. C’est dans cette tombe que la guerre l’a enterrée et il n’y a plus d’autre issue que de mobiliser les énergies de résurrection pour sortir de cette tombe. Il faut aux Congolaises et aux Congolais un imaginaire de résurrection.
D’où l’urgence de faire naître, de faire émerger et de faire resplendir de nouvelles forces de mobilisation des populations pour un Sens nouveau à donner à la vie en RDC et dans toute la région des Grands Lacs. Ces forces de l’éthique de la résurrection ont à diffuser l’énergie d’un nouvel imaginaire et d’un nouveau pouvoir créateur pour la paix.
Maintenant que nous savons que la guerre ne nous a menés nulle part dans la région des Grands Lacs, nous ne pouvons pas ne pas savoir que l’avenir n’a qu’un nom : la paix.
C’est là la signification fondamentale que nous devons donner â la guerre dans l’est de la République démocratique du Congo, pour échapper au vertige de l’absurde.


























mercredi 24 avril 2013

QUEL EST LE BILAN POLITIQUE DE LA GUERRE EN RDC ?


QUEL EST LE BILAN POLITIQUE DE LA GUERRE EN RDC ?

Par Kä Mana

En attendant l’arrivée de l’armée interafricaine que l’on présente aujourd’hui dans les médias officiels comme la solution définitive à la tragédie congolaise, est-il possible de tenter un bilan politique  raisonné de la guerre et des crises dans l’est de la RDC depuis le génocide rwandais ? Je crois que c’est le moment de le faire et cette réflexion est consacrée à cette tâche.

Les phases d’une tragédie
            Ce qu’il convient de savoir, c’est le fait que cette guerre a eu trois grandes phases liées à des vicissitudes multiples et qu’elle entre maintenant dans la quatrième phase qui l’éclaire d’une lumière politique dont tous les peuples des Grands Lacs devraient prendre conscience.
La première phase a été celle de la prise de Kinshasa par l’AFDL, avec la fuite de Mobutu et l’effondrement de son régime. Le Rwanda fut politiquement le grand vainqueur de cette phase : il permit à Laurent Désiré Kabila de prendre les rênes du pays et d’installer dans la capitale un système dans lequel les populations congolaises placèrent beaucoup d’espoirs avant de déchanter rapidement devant les dérives autoritaires et les contradictions dans les objectifs des leaders congolais et des leaders Rwandais qui composaient  le camp de vainqueurs. Mais le triomphe du Rwanda dans la prise de Kinshasa fut triste et éphémère. Par arrogance, par  mépris face au peuple congolais de la part de l’armée rwandaise, le pouvoir de Kigali ne sut pas comment gérer sa victoire. Son triomphe se retourna vite contre les vainqueurs. Ceux-ci avaient commis l’erreur de prendre le Congo comme un butin de guerre alors qu’il aurait fallu le considérer comme une terre offerte fabuleusement pour un nouvel axe politico-économique Kinshasa-Kigali, en vue d’un grand projet et d’une grande ambition dont la puissance de la région des Grands Lacs aurait été l’enjeu de fond. Ce ratage d’enjeu aboutit au retrait de l’armée rwandaise de la RDC.
Ce fut le début de la deuxième phase de la guerre. Celle-ci fut celle d’un imbroglio où armées, milices, groupes mafieux et forces du grand banditisme national ou international furent du Congo une terre d’absurdités meurtrières, avec la bénédiction manifeste d’une communauté internationale dont les intérêts, depuis le temps du président américain Bill Clinton, étaient absurdement liés à l’intrusion d’une économie du chaos au Congo. Le Rwanda, une fois de plus, remporta cette guerre de l’est, après l’accord de l’Hôtel Ihusi signé en 2009 entre les rebelles du CNDP et le gouvernement congolais. Il disposait à Kinshasa d’un gouvernement qui lui devait tout, qui lui avait ouvert les rangs de l’armée congolaise et qui s’était joint à lui pour la traque des ennemis jurés de Kigali : les Interhamwe du FDLR. A cette phase aussi, il y eut ratage de cible. Au lieu de construire un grand projet de la puissance et de la grandeur de la région des Grands Lacs, les gouvernements de Kigali et de Kinshasa jouèrent au chat et à la souris. Kigali géra mal sa puissance en s’y enfermant, sans proposer un leadership capable d’engager les deux pays et les deux peuples dans la construction d’une destinée commune fondée sur une éthique communautaire. Kinshasa chercha à s’échapper à l’étreinte étouffante du Rwanda en trahissant insidieusement les accords signés. Il le fit soit par souci de souveraineté inaliénable, soit par soutien nocturne aux ennemis du Rwanda à qui ils fournissait des armes, soit par  quête d’une puissance destinée à ouvrir à la nation congolaise une place de grande envergure dans le concert des nations. Une fois de plus, le triomphe du Rwanda se retourna contre lui, faute d’une bonne vision des objectifs plus élevés et plus ambitieux à donner à la guerre : construire la puissance, la grandeur et le développement pacifique de la région des Grands Lacs. En l’absence d’une éthique de la confiance mutuelle entre Kinshasa et Kigali, tout dériva dans des intérêts à courts termes. Avec un Rwanda sûr de son armée pour vassaliser d’une manière ou d’une autre la RDC et un Congo sûr de ses richesses. Un trésor immense à hypothéquer à long terme auprès d’autres gouvernements, selon une stratégie qui consisterait à sortir de la guerre par la mobilisation politique et diplomatique de tous ceux que le Rwanda a humiliés et que son modèle de développement par la force agace dans le monde.
C’est par une inébranlable foi en cette stratégie que le Congo a toujours accusé son voisin d’être la cause de la troisième phase de la guerre : celle du M23. A force de croire en cette option, le gouvernement congolais n’a plus vu que le vrai problème n’était plus le Rwanda, mais le Congo lui-même : son manque d’Etat solide, son déficit de gouvernance responsable et l’absence de confiance réciproque entre les dirigeants du pays et le peuple meurtri par une politique sans boussole. Kinshasa se mit  à internationaliser la guerre en diabolisant le Rwanda à travers des multiples rapports d’experts mondiaux sur l’engagement de l’armée rwandaise dans la crise congolaise. Il crut suivre un bon filon. Le Rwanda y perdit ses plumes : certains bailleurs de fonds lui retirèrent leur aide, dans le but manifeste de lui faire plomber son modèle de développement autoritaire et musclé, carte maîtresse de son image dans le monde. Mais à force de croire qu’il se débarrassait ainsi de la menace rwandaise, le Congo ne vit même pas le vrai danger et la vraie menace sur sa tête : la communauté internationale qui donna pleins pouvoirs au Raminagrobis des Nations-Unies pour mettre Kinshasa sous tutelle et prendre en main les rênes des relations entre le Rwanda, l’Ouganda et la RDC. C’est cette communauté de tutelle qui est le grand vainqueur de la troisième phase de la guerre.  Dans les griffes des Nations Unies décidées à imposer un nouvel ordre dans la région des Grands lacs, ni le Rwanda, ni la RDC, ni un quelconque groupe armé ne peuvent redevenir les maîtres du jeu. La région des Grands Lacs et ses richesses dépendent maintenant de ce que voudront les maîtres du Monde.
Maintenant commence la quatrième phase de la guerre dans l’est de la RDC, la vraie guerre pour la région des Grands Lacs : la guerre de notre libération commune, de notre grandeur, commune de notre puissance commune et de notre commune destinée en tant que peuples dignes, responsables et engagés dans un développement pacifique communautaire, au service d’un autre monde possible. Le rêve d’une humanité généreuse et solidaire. C’est la guerre de l’éducation.
La guerre de l’éducation à la liberté et à la responsabilité communautaire
           Si je mets en lumière le rôle fondamental de l’éducation comme exigence à la fin de l’analyse que je viens de proposer, c’est parce que je suis convaincu que la vraie guerre de libération par rapport  à la tutelle mondiale, en RDC comme dans la région des Grands Lacs, ne sera pas une guerre, totalement négative, des kalachnikovs et des bombes. C’est une guerre, totalement positive et fertile, des cerveaux, des consciences et des cœurs, pour un autre vivre-ensemble possible. Elle sera également une guerre, totalement positive et créative, pour mettre sur pied de nouvelles institutions et de nouvelles structures sociopolitiques régionales, afin de  régir et réguler avec fécondité cet être-ensemble.
     Une guerre pour changer les imaginaires. Il convient d’entendre par là un renouveau culturel et normatif, pour reprendre les mots de Bruce Russel. Il s’agit de rompre avec tous les conditionnements de la culture de la haine, de la violence, du mépris et de la mort que la guerre a créés autant qu’elle a été elle-même créée par ces conditionnements dans l’esprit dans les cerveaux et  les cœurs des hommes. Contre une culture devenue meurtrière et un contexte d’accoutumance à la destruction comme mode d’être, la solution ne peut être que dans un projet global d’une éducation alternative pour un changement global d’imaginaire. Changement de représentations, d’idées, de visions et des images que les personnes et les groupes ont des relations qu’ils entretiennent les uns avec les autres. Cela exige un nouvel ordre de révolution : une révolution éthique que seule un renouveau de la formation humaine dans les profondeurs de l’être peut rendre possible, à l’échelle des valeurs du vivre-ensemble. L’imaginaire et les principes de la guerre ont conduit à la catastrophe. Il est temps de bâtir une nouvelle destinée commune pour les pays et les peuples des Grands Lacs, dans le rayonnement d’un nouvel imaginaire de paix et du bonheur partagé. C’est là le grand enjeu du futur.
          Une guerre pour un renouveau institutionnel et structurel.  Il s’agit d’imaginer de nouvelles structures et de nouvelles institutions politico-sociales, sur les cendres de vieilles structures et institutions qui ont déjà fait preuve de leur inefficacité et de leur fragilité. La guerre dans l’est de la RDC a été une guerre menée et attisée par des pays dont la caractéristique commune est qu’ils sont des pays à régimes politiques autoritaires à l’intérieur de leurs frontières. Ces pays ne peuvent pas faire recours à un esprit démocratique qui engage les aspirations profondes de leurs peuples dans l’analyse des problèmes de relations entre voisins. D’où le fossé qui sépare les politiques de guerres menées par les Etats et la dynamique du commerce transfrontalier vécue par les populations. D’où, en même temps, un décalage très manifeste entre les discours des autorités politiques, dicté par les stratégies politiciennes, et le souci des peuples pour vivre dans une harmonie vraie, en libérant leur génie créateur commun en matière du commerce, de l’éducation, de la culture et des arts. La révolution à faire à l’échelle des structures et des institutions, c’est celle d’un renouveau démocratique dans tous les pays de la région des Grands Lacs, afin de permettre l’émergence des relations internationale de paix et de prospérité commune partout. C’est là aujourd’hui, l’enjeu de l’avenir. La RDC le sait, elle qui a perdu dans la guerre  tout pouvoir de liberté, de responsabilité et de créativité autonome et qui ne peut le retrouver que dans un système de foi, de crédibilité et de confiance entre le peuple et les autorités légitimes, avec des contre-pouvoirs légitimes pour animer une démocratie fertile. Le Rwanda le sait aussi, lui dont le modèle de développement a été plombé par un certain assèchement financier décrété par certains pays démocratiques  comme mesure de rétorsion, sur la base des rapports d’experts internationaux aux intentions multiples et contradictoires, concernant la situation en RDC. La critique de l’autoritarisme, même éclairé, tel que les rapports internationaux l’ont développée signifie que la distinction est aujourd’hui claire entre le régime politique et ses intérêts propres d’une part, et d’autre part le peuple rwandais dans ses aspirations profondes, qui ne peuvent pas être celles d’un imaginaire guerrier. S’il se démocratise en s’ouvrant à toutes les aspirations de ses populations, le régime en place  fera rayonner une démocratie dont la puissance du développement politique, économique, social et culturel sera le ferment d’une paix pérenne, force absolue de promotion des valeurs d’humanité entre les peuples. Quant à l’Ouganda, il sait maintenant qu’à long terme, la guerre, quand on la provoque rien que pour des intérêts personnels et socio-stratégiques des dirigeants d’un Etat, ne paie pas, surtout dans un contexte mondial de la région des Grands Lacs dont les richesses peuvent être tout aussi bien des enjeux de guerre que des enjeux de paix. Les enjeux de guerre paient à court terme, dans une économie de chaos mafieux. Mais ils cessent de l’être à long terme, quand les Etats comprennent à un moment ou à un autre que la paix est plus rentable que la guerre dans les relations internationales, surtout quand les intérêts financiers sont de taille, comme en RDC aujourd’hui. 
          C’est dire que maintenant., il n’y a pas de doute sur une réalité : les pays qui ont été l’épicentre de la tragédie dans l’est du Congo-Kinshasa ont intérêt à réorienter leurs politiques d’ensemble, de gré ou de force, par la création et l’animation de véritables institutions et  structures de paix, pour créer une communauté des libertés créatrices, en vue du développement pacifique. Il ne s’agit pas là d’un vœu pieux moralisateur, mais du pur réalisme politique pour casser l’étau de l’ordre mondial de plus en plus tenté par un régime de tutelle quand les Nègres se montrent incapables de gouverner des Etats modernes. Pour échapper à un tel destin, le renouveau éducatif dans toute la région des Grands Lacs est un impératif de fond, dans un imaginaire de liberté rayonnant au cœur des institutions de liberté. L’avenir est à ce prix. Il sera éthique ou il ne sera pas.


L'APRES-GUERRE A-T-IL COMMCENCE EN RDC ?



L’Après-guerre a-t-il commencé en RDC ?
Ce que je rêve, ce que je crois, ce que j’espère


Par Kä Mana
Ce que vous allez lire  est un rêve éveillé. Un rêve du genre dont parlent les philosophes et les poètes lorsqu’ils évoquent parfois les puissances merveilleuses des utopies critiques diurnes ou même nocturnes. Je parle de ces limons vifs qui jaillissent de temps en temps des profondeurs du subconscient et ouvrent peu à peu les horizons d’un futur inattendu, après avoir déchiré le voile des grisailles de nos existences quotidiennes dans leurs routines et leurs platitudes.
Tout commence dans un bateau au beau nom d’Emmanuel II
 Je suis dans une cabine première classe de ce bateau à Goma. J’ai  devant moi six heures de voyage jusqu’à Bukavu et je décidé de les consacrer à réfléchir sur la phase actuelle de la guerre dans l’est de la RDC, après l’accord d’Addis-Abeba et l’annonce de la reprise des pourparlers de Kampala que j’imaginais morts à jamais. C’est pour cette raison que je me suis enfermé dans cette cabine tranquille, loin de tout bruit et de tout risque de rencontrer une personne capable de troubler ma quiétude.
J’ai vécu le tohu-bohu de l’embarquement dans ce bateau avec un sentiment de confiance dans l’avenir du peuple congolais. Quand j’ai vu l’agitation des hommes et des femmes surchargés de marchandises, de bibelots de toutes sortes et d’objets hétéroclites portés par des voyageurs surchauffés d’énergie de vie et d’espoir, qui ont fait du port de Goma un véritable essaim d’abeilles humaines enthousiastes, je n’ai pas pu ne pas sentir ce que ce tintamarre avait de plus significatif dans une région en guerre : la volonté de vivre. Vivre à pleins poumons. Vivre abondamment. Vivre puissamment. Envers et contre tout. A pleine vitesse et en croquant l’existence à dents acérées. Avec toute l’esthétique du bien-être qu’exhibe l’habillement splendide des femmes dans leur préciosité rayonnante et des hommes dans leur orgueil magnanime.
A mon habitude, je regarde particulièrement les femmes : leur beauté, leur énergie, leur exubérance et leur sensualité jubilatoire qui font de la vie un rêve digne d’être rêvé dans toute sa plénitude et dans toute sa fulgurance.
 Le Lac Kivu est d’un calme insondable sous un ciel caressé par de petits nuages blancs, tout silencieux dans leur immobilité matinale. Je sais que le jour se réchauffera petit à petit et que le bateau partira dans une lenteur lourde et paisible, avant d’atteindre sa vitesse de croisière dans la symphonie des îles riantes  que nous rencontrerons en plein lac.
Je suis allongé sur un petit lit austère et doux dans le calme de ma cabine et je réfléchis sur la guerre dans l’est de la République démocratique du Congo, comme très souvent depuis de longs mois d’inquiétude et d’espoir.
Une semaine plus tôt, le matin du dimanche de Pâques, sans doute sous l’impulsion de l’esprit de la résurrection et l’intensité des espérances, j’avais écrit un texte où j’affirmais que la guerre était finie dans l’est de la République démocratique du Congo et que s’ouvrait maintenant l’ère de la résurrection congolaise dans la construction d’une paix durable et du développement pacifique. J’avais écrit cette réflexion en priant, l’esprit nourri par le texte d’un prophète biblique dans sa splendide vision des ossements desséchés qui reprennent vie, qui reprennent souffle et qui triomphent de la mort, comme le Congo dont je me sens convaincu qu’il reprendra vie, qu’il prendra souffle et qu’il triomphera de la guerre.
 Dans mon entourage le plus proche, ce texte d’inspiration chrétienne fut accueilli avec prudence. Soit dans un silence gêné où je sentais qu’il ne fallait pas prendre mes désirs pour des réalités, soit avec des sourires d’amitié qui me conseillaient de ne pas rendre ma réflexion publique, de peur de paraître, au cas où les déflagrations meurtrières reprendraient, comme un penseur sans lucidité ou  un analyste sans crédibilité.
Les raisons de la prudence
Les raisons pour m’inviter à la prudence étaient multiples et j’avais, dans la cabine d’Emmanuel II sur le lac Kivu, tout le temps nécessaire pour dérouler dans mon esprit le beau  tapis de leur argumentaire, de sa justesse et de sa pertinence.
Avant tout, il est clair pour beaucoup de nos compatriotes que les effets d’annonce sur la fin de la guerre dans l’est de la RDC font partie du rythme même de la guerre. Un certain 23 mars 2009, les populations avaient déjà été gratifiées de cette annonce et la guerre avait repris de plus belle. Avant cela, il y a eu moult accords et moult ententes entre belligérants pour en finir une fois pour toutes avec les batailles. Cela n’avait rien donné. Plus on annonçait la fin des hostilités, plus rebondissaient les élans guerriers, avec une amplitude de plus en plus impressionnante, si l’on prend pour paramètre d’analyse le nombre toujours croissant des milices et des groupes armés. Pourquoi l’accord d’Addis-Abeba et son onde de choc obéirait-ils à une autre logique que celle du déjà vu et du déjà connu ?
En plus, l’un des nœuds de la guerre dans l’est de la RDC est la place de ceux que l’on appelle globalement les Rwandophones dans l’espace du Kivu. Dans l’accord d’Addis-Abeba comme dans toutes les autres négociations pour la paix, ce nœud n’a pas une seule fois été correctement dénoué.  Si les choses restent telles qu’elles sont et qu’on fait recours à une armée internationale pour imposer une paix qui ne résout pas cette question, de nouveaux Nkunda, Ntaganda et Makenga surgiront en vue de chercher une vraie place au soleil pour les leurs et ils auront le soutien des leurs qui sont au Rwanda pour continuer la guerre, sous une forme ou sous une autre. Tant qu’on oubliera que la quête d’un espace vital tranquille et sécurisé pour les Hutu et les Tutsi congolais est l’un des ressorts de fond pour la guerre, on aura nagé à la surface des choses et un jour ou un autre, on se retrouvera à la case de départ. Or Kinshasa a des difficultés à comprendre cette logique et s’époumone à réclamer l’autodestruction du M23, comme si la disparition de celui-ci et des autres milices extirpait des cœurs les haines et les instincts meurtriers accumulés au cours de l’histoire de ces dernières années dans le Kivu. Cela du côté des peuples qui s’affirment comme autochtones meurtris, dans les souffrances indescriptibles toujours ressassés, tout aussi bien que du côté des Rwandophones congolais qui n’ont pas l’intention de terminer leur vie comme réfugiés au Rwanda ou comme moutons à l’abattoir des vindictes populaires congolaises. Pour les uns et pour les autres, la guerre est encore une réalité à assumer et bien naïf celui qui croirait que tout est fini rien que par la magie des accords signés. Ce n’est pas cette magie qui compte, mais  une politique globale de solution globale qui exige que tous les Congolais et toutes les Congolaises choisissent ensemble la voie de la paix et du développement pacifique.
Il y a plus. La RDC a toujours accusé le Rwanda et l’Ouganda d’être la cause de ses malheurs. Il a toujours affirmé qu’il subit, de la part de ces pays. des assauts de prédation toujours recommencés. Le Rwanda et l’Ouganda, eux, jurent le contraire. Mais dans les allégations comme dans les dénégations, il n’y a pas lieu d’être dupe et de refuser de voir qu’un problème d’intérêts économiques de fond se pose. Un problème qu’aucun accord n’a jusqu’ici pris en compte. On s’appesantit sur les dimensions politiques de la guerre de l’est de la RDC sans creuser sérieusement leurs soubassements économiques et financiers. Sans ces soubassements, la guerre ne peut pas finir. Il faut le courage d’une conférence économique de la région des Grands Lacs, pour poser dans sa globalité la question du développement pacifique de la région, selon les intérêts de tous les pays. Sans cela, le beau vernis des décisions prises dans les accords politiques ne fera que cacher l’exigence du courage pour une paix régionale véritable.
En plus : la guerre dans l’est de la RDC est entretenue par des forces clairement visibles comme par des puissances de l’ombre dont aucune n’apparaît dans les multiples négociations pour la paix. Les pays comme le Canada ou la Chine,  tout comme les entreprises internationales et les trusts vendeurs d’armes, dont les intérêts sont immenses dans la question congolaise, personne ne dit ce qu’ils pensent du processus actuel de paix. Il n’y a aucune politique visible des protagonistes étatiques, privés ou mafieux, qui permette de dire que tout le monde adhère au schéma général des Nations Unies. Il y a encore moins une volonté internationale puissamment partagée pour que le Congo entre dans un processus irréversible de développement pacifique. Comment peut-on espérer une vraie paix dans de telles conditions ?
En même temps, il n’est pas bon d’oublier que le Rwanda n’a aucune confiance en l’Afrique du Sud, pays qui abrite les opposants au régime de Kagamé et qui est censé fournir un grande partie du contingent pour l’action de neutralisation des forces négatives en RDC. Laisser la tâche d’éradiquer les FDLR à une force aussi aléatoire, ce serait  non seulement une naïveté politique inacceptable pour les autorités rwandaises, mais surtout une erreur politique inimaginable. Le Rwanda ne peut vivre qu’en mettant en œuvre la vielles sagesse militaire : « Si tu veux la paix, prépare la guerre. »
  Last but not least : la guerre n’est pas seulement un problème d’armes, mais un problème de vision du monde et de structures de mentalité. Elle naît, se développe et finit dans l’esprit des hommes. Or, aujourd’hui, cet esprit de guerre est tellement ancré dans certaines mentalités qu’il ne peut être éradiqué que par une éducation de longue haleine. Malgré la présence d’une multitude d’associations, organisations non gouvernementales, centres de recherches et institutions universitaires  pour la paix, rien ne donne l’impression d’un changement de fond dans l’être des tribus de l’est de la RDC pour un vivre-ensemble fondé sur les valeurs de paix profonde. Affirmer que la guerre est finie dans un tel contexte, c’est aller vite en besogne. La guerre n’est pas finie quand l’esprit des hommes n’est pas transformé ni les haines totalement éradiquées des consciences et des cœurs.
La sophistique est à la vérité ce que l’humour est à la vie
            On frappe à ma cabine. Je suis tiré brusquement de mon inventaire des raisons pour lesquelles il est difficile de décréter sans légèreté philosophique la fin de la guerre dans l’est de la RDC. Je me lève lentement, les yeux happés par deux petites îles vertes en plein lac. Je prends conscience du calme de cœur et d’esprit que le lent mouvement du bateau glissant sur l’eau procure à tout mon être et je me dirige vers la porte.
 J’ouvre. Devant moi une apparition. Superbe dans son costume bleu ciel. Sa grosse bible sous le bras. Prédicateur de son état, lhommt m’annonce une séance de prière qui se tient dans le bateau même. Je m’étonne devant cette activité d’Eglise dans Emmanuel II. « Là où gronde le démon, il faut annoncer le Christ », affirme l’homme.
-          Le démon ? demandai-je
-          N’avez-vous pas entendu la musique folle qui gronde dans la boîte de nuit de ce bateau ?
-          Nous sommes en plein jour.
-          Justement, le démon a choisi de semer la nuit dans le jour, il faut le combattre dans la prière et la prédication. Je vous invite à venir au combat spirituel.
-          Merci de tout cœur.
 L’homme sourit et se dirige vers la cabine voisine. Le combat entre Dieu et le démon, le bien et le mal, les ténèbres et la lumière dans ce bateau me fait penser à toute la situation du Kivu et même à la condition humaine. Je pense à l’apôtre Jean et à Mani, qui avaient fait de cette bataille gigantesque le cœur de leur spiritualité. Ils rêvaient tous les deux des nouveaux cieux et d’une nouvelle terre, comme moi, comme tous les hommes et toutes les femmes qui veulent changer le monde. Ce rêve m’inonde de sa fraîcheur et j’y crois.
En même temps, j’ai l’esprit tourné vers mes collègues et mes amis qui ont du mal à imaginer que la guerre finisse  tout simplement comme ça, sans qu’aucun problème de fond ne soit résolu.   
Je leur donne raison, sans pourtant remettre en question le fait qu’à mes yeux la guerre de l’est est terminée. Comme toutes les guerres du monde, elle a eu un début, elle a eu une évolution et elle a maintenant une fin. Je sens cette fin mais j’éprouve en même temps la difficulté et de la théoriser et de la clamer dès maintenant comme une certitude.
-          D’ailleurs,  m’avait demandé un collègue philosophe, sur quoi vous fondez-vous pour décréter la fin de la guerre ? Ne craignez vous pas d’être ridicule si les belligérants reprennent les armes et que la guerre recommence ?
-          Et pourtant elle est finie, avais-je répondu, à la Galilée.
-          Comment cela ?
Les premières réponses qui m’étaient venues à l’esprit sont de l’ordre de la sophistique, dans des acrobaties intellectuelles que j’affectionne parfois, par gymnastique de l’intelligence. Et comme la sophistique est à la vérité ce que l’humour est à la vie, ce jeu de la pensée me sert de point de départ pour répondre à mes collègues. Aujourd’hui, j’ai d’autant plus besoin de ces réponses que les bruits courent déjà que le M23 veut reprendre Goma et relancer la guerre, sans états d’âme.
Je pense avant tout à un débat franco-français qui m’avait amusé au début de la décennie 1990. En ces temps déjà lointains, deux penseurs français s’étaient affrontés sur la guerre du Golfe lancée par George H. Bush contre l’Irak de Saddam Hussein. Avant cette guerre, le premier de ces penseurs avait affirmé haut et fort et à grands renforts de brillances médiatiques, comme seuls les penseurs français savent les orchestrer : « La guerre du Golfe n’aura lieu ». Sans doute voulait-il faire un clin d’œil littéraire à Jean Giraudoux et à son célèbre livre : La guerre de Troie n’aura pas lieu. Un mois à peine après la tonitruante affirmation du penseur français, les Etats-Unis lançaient leurs armées sur l’Irak. C’est là que le deuxième philosophe occupa les chaînes de télévision pour clamer haut et fort, et avec toute la brillance qui plaît aux Français : « La guerre du Golfe a bel et bien eu lieu ». Il ridiculisa ainsi le premier penseur non seulement sur le seul point de la guerre du Golfe, mais sur tous les fondements mêmes de toutes les approches philosophiques de cet ennemi médiatique présenté comme un imposteur.  Il faut mal connaître les Français pour croire que le penseur piqué au vif n’allait pas réagir. Il se tint lui aussi sur les plateaux de toutes les télévisions, après la victoire de l’Amérique sur l’Irak, pour affirmer avec aplomb : « La guerre du Golfe n’a jamais eu lieu ». Sa ligne de démonstration était lumineuse : elle montrait comment tout en Irak n’était qu’un jeu de simulacres dont les télévisions étaient le seul témoin, sans cadavres ni plans de guerre, avec des seuls discours pour dire qu’il y avait une guerre alors que Saddam régnait encore sur l’Irak. Un homme dont l’Amérique voulait cependant se débarrasser en lançant sa prétendue guerre, pour un nouvel ordre mondial.
Je me disais en moi-même que si jamais la guerre reprenait dans l’est de la RDC après mon texte, j’avais tout le loisir d’affirmer qu’il ne s’agissait plus d’une guerre, mais d’un simulacre de guerre, avec des simulacres d’armées, de simulacres d’enjeux et de simulacres d’acteurs. Après les accords d’Addis-Abeba, la dislocation du M23 en deux branches, la défaite d’une des branches et le transfert de Bosco Ntaganda à La Haye, qui sonnaient le glas de la vraie guerre, on ne pouvait entrer que dans le simulacre de guerre car la seule voie de paix ne peut être que la recherche de la paix. Personne n’a plus intérêt à la guerre et personne n’a la vraie possibilité de la gagner : ni le M23, ni les FDLR, ni les petites milices disséminées partout, ni le Rwanda, ni l’Ouganda, ni la RDC, ni même les  « petites mains du capitalisme », commanditaires de l’ombre dont les intérêts risquent de disparaître si la guerre se poursuit. Il ne reste plus qu’à faire semblant et à jouer à la guerre au lieu de la faire.
Cette solution sophistique à la française me donnait à sourire devant les ondulations du lac Kivu et la puissance calme d’Emmanuel II naviguant dans l’impériale  majesté liquide. Je me disais : « Ah ces Français et leur art de penser avec élégances toutes les solutions même pour les problèmes les plus  insolubles ! »
Mais mon esprit ne s’arrêtait pas à eux. Il se tournait vers Kinshasa et son univers politico-médiatico-intellectuel. Le discours triomphant des Kinois m’intéressait car il plaçait toute son espérance dans l’arrivée d’une armée internationale et dans la transformation de la mission de la Monusco en force guerrière. Ce que Kinshasa ne voit pas, selon ma vision sophistique, c’est le fait même que l’acceptation d’une mission guerrière par les troupes de la Monusco, dont la vision du problème congolais ne voulait pas faire jusqu’ici autre chose que protéger les populations, signifie que les stratèges onusiens sont convaincus, sur le terrain, d’une réalité : la Monusco n’aurait pas à se battre parce que la guerre est finie. Ses militaires pourraient ainsi accumuler les frais de risques en émoluments gigantesques sans rien risquer du tout. Leur séjour au Congo relèverait de ce que le président Museveni a un jour appelé le tourisme militaire, dans une région superbe, loin de toute possibilité d’une guerre qui les engagerait à traquer les milices dans le fins fond de la forêt équatoriale, avec les militaires sud africains en avant-plan.  Après sa débâcle en Centrafrique, avec la chute du régime de Bozize, si l’Afrique du Sud vient au Congo, cela ne peut être possible que dans la mesure où elle sait qu’elle aura à redorer son blason sans prendre aucun risque, ni militaire ni politique. Tous les autres pays qui alimenteront l’armée d’intervention au Congo sont sans doute dans le même état d’esprit d’une guerre sans guerre du tout.
Quant au gouvernement de la RDC, il ne peut pas ne pas savoir qu’il n’a pas d’armée fiable. Il sait aussi qu’on ne peut pas compter sur des armées étrangères dans un pays problématique comme le Congo actuel sans prendre soi-même le risque de devenir un gouvernement fantoche, un pouvoir fantomatique. Il ne peut par conséquent pas faire de l’option guerrière sa principale arme à un moment où la paix pourra être sa seule arme de survie. Il ne croit donc pas à une solution militaire, même si ses ministres se pavanent à la télévision pour exalter la guerre. Seule la paix est dans son intérêt et elle est maintenant à portée de main. Il suffit de la saisir par la force de l’intelligence. 

Trèves de girouettes sophistiques
« Trèves de sophistiques », dites-vous, sans aucun doute. Mais ce recours aux arguments au premier abord sophistiques ne manque pas de sens, encore moins de suc. Elle veut tout simplement dire que la guerre a cessé d’être le centre des intérêts qui l’ont rendue possible et que nous devons pousser la réflexion pour voir quelles sont les forces qui militent pour la paix en RDC.
J’attends de petits coups frappés à ma cabine. Je crois au retour de l’apparition importune du prédicateur exalté. Je me lève. J’ouvre. Non, ce n’est pas l’apparition. Je suis devant un de mes anciens étudiants de l’Université Evangélique en Afrique à Bukavu, qui souhaitait me dire bonjour parce qu’il m’avait aperçu quand je prenais place dans ma cabine. Avec courtoisie, je lui demande d’entrer. Il entre. Je lui propose de s’assoir sur le seul fauteuil de ma cabine. Il prend place et je me réinstalle sur mon lit.
Le jeune homme s’enquit de mon travail de penseur et du livre que, sans doute, j’écrivais en ce moment..
-          Je rassemble actuellement, lui dis-je, toutes mes réflexions sur la guerre dans l’est de la RDC,, maintenant que la guerree est en train de finir.
-          Vous pensez qu’elle est finie ?
J’entrepris de donner au jeune homme ma vision de la fin de la guerre.
-          Tu vois, lui dis-je, nous vivons dans un monde dont la plus grande force, c’est le Marché. Le Marché, ses lois, ses exigences, ses attentes. Et le Marché, c’est l’impératif des profits dans une compétition planétaire. Les plus forts veulent gagner toujours plus, qu’il s’agisse des pays ou des pouvoirs de l’ombre. Jusqu’ici, le Marché a poussé beaucoup de forces, visibles et invisibles, à croire que la guerre dans l’est du Congo était rentable. Maintenant, les choses ont changé. Cette guerre n’est plus rentable, même pas pour ceux qui en avaient fait une bonne affaire et un filon porteur. Faute de logique de profit, la guerre s’arrêtera comme un véhicule en panne sèche.
-          Je ne comprends pas très bien, professeur. J’ai lu qu’il y a beaucoup d’intérêts en jeu en matière de richesses minières et que la guerre est liée à ces intérêts.
-          N’oublie pas que les intérêts économiques sont liés aux exigences politiques et qu’aujourd’hui la mode en politique mondiale est à l’éthique, à la moralisation de la politique et aux droits humains. L’effet de mode a une onde de choc qui se répandra jusqu’au Congo. Tous les belligérants le savent et il est illusoire de croire que cette mode, même si elle ne constitue pas un changement de fond, n’affecte pas la manière dont le monde entier perçoit le conflit dans l’est de la RDC. Il essouffle la guerre et donne une chance à la paix.
-          A court ou à long terme ? demanda le jeune homme.
-          Les deux. A court terme pour faire cesser les armes. A long terme pour libérer les dynamiques d’éducation profonde au développement pacifique et bâtir les institutions de paix. Entre les deux, il y a le moyen terme qui concerne les discussions politiques et économiques à poursuivre pour donner un visage de paix à l’avenir. 
Emmanuel II est maintenant en face de l’île d’Idjwui, l’endroit du monde auquel mon cœur est le plus attaché aujourd’hui. Je propose au jeune homme que nous sortions de la cabine pour prendre place à l’avant du bateau. J’admire l’île en silence et tout mon être chante. Le temps passe et  Emmanuel II glisse sur la surface bleue du lac Kivu. Le ciel est maintenant d’une clarté profuse. Le soleil y rayonne. De temps en temps, un gros oiseau noir vol à ras le lac, plonge en profondeur avant de surgir loin pour reprendre souffle. D’autres oiseaux, tout blancs, virevoltent en grappes dans l’air frais, fonçant vers les lointains dans une compétition ardente de vitesse et de magnificence. Tout dans la nature rayonne de beauté et de charme, en moi-même comme tout aux alentours d’Emmanuel II. Deux heures passent ainsi dans une communion paisible avec tout l’univers. Je médite et je réfléchis. Enfin, je pris la parole pour dire au jeune homme :
-          Il n’y a pas que le marché et la mode de la moralisation de la vie politique qui refusent la logique de la guerre dans l’est de notre pays. Il y a surtout nos cœurs, nos esprits, nos consciences et tout l’imaginaire qu’ils vont  nourrir actuellement au Congo, dans la région des Grands Lacs et partout dans le monde. Le souci de la paix et de la sécurité est devenue une lame de fond irrésistible et nous ressentons tous et toutes cela, avec une vigueur indomptable, il me semble. Contre cette vague, aucune puissance de guerre ne pourra résister. Il y aura sans doute de soubresauts et des spasmes à un coin ou à un autre de notre région, mais la grande logique de guerre dans laquelle nous avons vécu jusqu’à maintenant n’a plus d’épine dorsale. La guerre a rendu l’âme et c’est merveilleux pour notre région.
Le jeune homme n’a pas répondu. Il sait que je ne lui parle pas vraiment et que je m’adresse à moi-même dans un monologue dont il n’est que le témoin. Je m’en rends compte et je lui dis :
-          Jeune homme, c’est dans mon cœur que je sais que la guerre est finie et que l’après-guerre a commencé. Et le cœur est le ferment de la vérité.
        Une jeune fille qui se tenait à côté de nous et nous écoutait en silence posa sur moi un regard étrange d’étonnement et d’éblouissement. C’était un regard de pleine lune.