QUEL EST LE BILAN POLITIQUE DE LA GUERRE EN RDC ?
Par Kä
Mana
En
attendant l’arrivée de l’armée interafricaine que l’on présente aujourd’hui
dans les médias officiels comme la solution définitive à la tragédie
congolaise, est-il possible de tenter un bilan politique raisonné de la guerre et des
crises dans l’est de la RDC depuis le génocide rwandais ? Je crois que
c’est le moment de le faire et cette réflexion est consacrée à cette tâche.
Les phases d’une tragédie
Ce qu’il convient de savoir, c’est
le fait que cette guerre a eu trois grandes phases liées à des vicissitudes
multiples et qu’elle entre maintenant dans la quatrième phase qui l’éclaire
d’une lumière politique dont tous les peuples des Grands Lacs devraient prendre
conscience.
La
première phase a été celle de la prise de Kinshasa par l’AFDL, avec la fuite de
Mobutu et l’effondrement de son régime. Le Rwanda fut politiquement le grand
vainqueur de cette phase : il permit à Laurent Désiré Kabila de prendre
les rênes du pays et d’installer dans la capitale un système dans lequel les
populations congolaises placèrent beaucoup d’espoirs avant de déchanter
rapidement devant les dérives autoritaires et les contradictions dans les
objectifs des leaders congolais et des leaders Rwandais qui composaient le camp de vainqueurs. Mais le triomphe du
Rwanda dans la prise de Kinshasa fut triste et éphémère. Par arrogance, par mépris face au peuple congolais de la part de
l’armée rwandaise, le pouvoir de Kigali ne sut pas comment gérer sa victoire.
Son triomphe se retourna vite contre les vainqueurs. Ceux-ci avaient commis
l’erreur de prendre le Congo comme un butin de guerre alors qu’il aurait fallu
le considérer comme une terre offerte fabuleusement pour un nouvel axe
politico-économique Kinshasa-Kigali, en vue d’un grand projet et d’une grande
ambition dont la puissance de la région des Grands Lacs aurait été l’enjeu de
fond. Ce ratage d’enjeu aboutit au retrait de l’armée rwandaise de la RDC.
Ce fut
le début de la deuxième phase de la guerre. Celle-ci fut celle d’un imbroglio
où armées, milices, groupes mafieux et forces du grand banditisme national ou
international furent du Congo une terre d’absurdités meurtrières, avec la
bénédiction manifeste d’une communauté internationale dont les intérêts, depuis
le temps du président américain Bill Clinton, étaient absurdement liés à
l’intrusion d’une économie du chaos au Congo. Le Rwanda, une fois de plus,
remporta cette guerre de l’est, après l’accord de l’Hôtel Ihusi signé en 2009
entre les rebelles du CNDP et le gouvernement congolais. Il disposait à
Kinshasa d’un gouvernement qui lui devait tout, qui lui avait ouvert les rangs
de l’armée congolaise et qui s’était joint à lui pour la traque des ennemis
jurés de Kigali : les Interhamwe du FDLR. A cette phase aussi, il y eut
ratage de cible. Au lieu de construire un grand projet de la puissance et de la
grandeur de la région des Grands Lacs, les gouvernements de Kigali et de
Kinshasa jouèrent au chat et à la souris. Kigali géra mal sa puissance en s’y
enfermant, sans proposer un leadership capable d’engager les deux pays et les
deux peuples dans la construction d’une destinée commune fondée sur une éthique
communautaire. Kinshasa chercha à s’échapper à l’étreinte étouffante du Rwanda
en trahissant insidieusement les accords signés. Il le fit soit par souci de
souveraineté inaliénable, soit par soutien nocturne aux ennemis du Rwanda à qui
ils fournissait des armes, soit par
quête d’une puissance destinée à ouvrir à la nation congolaise une place
de grande envergure dans le concert des nations. Une fois de plus, le triomphe
du Rwanda se retourna contre lui, faute d’une bonne vision des objectifs plus
élevés et plus ambitieux à donner à la guerre : construire la puissance,
la grandeur et le développement pacifique de la région des Grands Lacs. En
l’absence d’une éthique de la confiance mutuelle entre Kinshasa et Kigali, tout
dériva dans des intérêts à courts termes. Avec un Rwanda sûr de son armée pour
vassaliser d’une manière ou d’une autre la RDC et un Congo sûr de ses
richesses. Un trésor immense à hypothéquer à long terme auprès d’autres
gouvernements, selon une stratégie qui consisterait à sortir de la guerre par
la mobilisation politique et diplomatique de tous ceux que le Rwanda a humiliés
et que son modèle de développement par la force agace dans le monde.
C’est
par une inébranlable foi en cette stratégie que le Congo a toujours accusé son
voisin d’être la cause de la troisième phase de la guerre : celle du M23.
A force de croire en cette option, le gouvernement congolais n’a plus vu que le
vrai problème n’était plus le Rwanda, mais le Congo lui-même : son manque
d’Etat solide, son déficit de gouvernance responsable et l’absence de confiance
réciproque entre les dirigeants du pays et le peuple meurtri par une politique
sans boussole. Kinshasa se mit à
internationaliser la guerre en diabolisant le Rwanda à travers des multiples
rapports d’experts mondiaux sur l’engagement de l’armée rwandaise dans la crise
congolaise. Il crut suivre un bon filon. Le Rwanda y perdit ses plumes :
certains bailleurs de fonds lui retirèrent leur aide, dans le but manifeste de
lui faire plomber son modèle de développement autoritaire et musclé, carte
maîtresse de son image dans le monde. Mais à force de croire qu’il se
débarrassait ainsi de la menace rwandaise, le Congo ne vit même pas le vrai
danger et la vraie menace sur sa tête : la communauté internationale qui
donna pleins pouvoirs au Raminagrobis des Nations-Unies pour mettre Kinshasa
sous tutelle et prendre en main les rênes des relations entre le Rwanda,
l’Ouganda et la RDC. C’est cette communauté de tutelle qui est le grand
vainqueur de la troisième phase de la guerre.
Dans les griffes des Nations Unies décidées à imposer un nouvel ordre
dans la région des Grands lacs, ni le Rwanda, ni la RDC, ni un quelconque
groupe armé ne peuvent redevenir les maîtres du jeu. La région des Grands Lacs
et ses richesses dépendent maintenant de ce que voudront les maîtres du Monde.
Maintenant
commence la quatrième phase de la guerre dans l’est de la RDC, la vraie guerre
pour la région des Grands Lacs : la
guerre de notre libération commune, de notre grandeur, commune de notre
puissance commune et de notre commune destinée en tant que peuples dignes,
responsables et engagés dans un développement pacifique communautaire, au service
d’un autre monde possible. Le rêve d’une humanité généreuse et solidaire. C’est
la guerre de l’éducation.
La guerre de l’éducation à la liberté et à
la responsabilité communautaire
Si je mets en lumière le rôle
fondamental de l’éducation comme exigence à la fin de l’analyse que je viens de
proposer, c’est parce que je suis convaincu que la vraie guerre de libération
par rapport à la tutelle mondiale, en
RDC comme dans la région des Grands Lacs, ne sera pas une guerre, totalement
négative, des kalachnikovs et des bombes. C’est une guerre, totalement positive
et fertile, des cerveaux, des consciences et des cœurs, pour un autre
vivre-ensemble possible. Elle sera également une guerre, totalement positive et
créative, pour mettre sur pied de nouvelles institutions et de nouvelles
structures sociopolitiques régionales, afin de régir et réguler avec fécondité cet
être-ensemble.
Une
guerre pour changer les imaginaires. Il convient d’entendre par là un
renouveau culturel et normatif, pour
reprendre les mots de Bruce Russel. Il s’agit de rompre avec tous les
conditionnements de la culture de la haine, de la violence, du mépris et de la
mort que la guerre a créés autant qu’elle a été elle-même créée par ces
conditionnements dans l’esprit dans les cerveaux et les cœurs des hommes. Contre une culture
devenue meurtrière et un contexte d’accoutumance à la destruction comme mode
d’être, la solution ne peut être que dans un projet global d’une éducation
alternative pour un changement global d’imaginaire. Changement de
représentations, d’idées, de visions et des images que les personnes et les groupes
ont des relations qu’ils entretiennent les uns avec les autres. Cela exige un
nouvel ordre de révolution : une révolution éthique que seule un renouveau
de la formation humaine dans les profondeurs de l’être peut rendre possible, à
l’échelle des valeurs du vivre-ensemble. L’imaginaire et les principes de la
guerre ont conduit à la catastrophe. Il est temps de bâtir une nouvelle destinée
commune pour les pays et les peuples des Grands Lacs, dans le rayonnement d’un nouvel
imaginaire de paix et du bonheur partagé. C’est là le grand enjeu du futur.
Une
guerre pour un renouveau institutionnel et structurel. Il s’agit d’imaginer de nouvelles structures
et de nouvelles institutions politico-sociales, sur les cendres de vieilles
structures et institutions qui ont déjà fait preuve de leur inefficacité et de
leur fragilité. La guerre dans l’est de la RDC a été une guerre menée et attisée
par des pays dont la caractéristique commune est qu’ils sont des pays à régimes
politiques autoritaires à l’intérieur de leurs frontières. Ces pays ne peuvent
pas faire recours à un esprit démocratique qui engage les aspirations profondes
de leurs peuples dans l’analyse des problèmes de relations entre voisins. D’où
le fossé qui sépare les politiques de guerres menées par les Etats et la
dynamique du commerce transfrontalier vécue par les populations. D’où, en même
temps, un décalage très manifeste entre les discours des autorités politiques,
dicté par les stratégies politiciennes, et le souci des peuples pour vivre dans
une harmonie vraie, en libérant leur génie créateur commun en matière du
commerce, de l’éducation, de la culture et des arts. La révolution à faire à
l’échelle des structures et des institutions, c’est celle d’un renouveau
démocratique dans tous les pays de la région des Grands Lacs, afin de permettre
l’émergence des relations internationale de paix et de prospérité commune
partout. C’est là aujourd’hui, l’enjeu de l’avenir. La RDC le sait, elle qui a
perdu dans la guerre tout pouvoir de
liberté, de responsabilité et de créativité autonome et qui ne peut le retrouver
que dans un système de foi, de crédibilité et de confiance entre le peuple et
les autorités légitimes, avec des contre-pouvoirs légitimes pour animer une
démocratie fertile. Le Rwanda le sait aussi, lui dont le modèle de
développement a été plombé par un certain assèchement financier décrété par
certains pays démocratiques comme mesure
de rétorsion, sur la base des rapports d’experts internationaux aux intentions
multiples et contradictoires, concernant la situation en RDC. La critique de
l’autoritarisme, même éclairé, tel que les rapports internationaux l’ont
développée signifie que la distinction est aujourd’hui claire entre le régime
politique et ses intérêts propres d’une part, et d’autre part le peuple
rwandais dans ses aspirations profondes, qui ne peuvent pas être celles d’un
imaginaire guerrier. S’il se démocratise en s’ouvrant à toutes les aspirations
de ses populations, le régime en place
fera rayonner une démocratie dont la puissance du développement
politique, économique, social et culturel sera le ferment d’une paix pérenne,
force absolue de promotion des valeurs d’humanité entre les peuples. Quant à
l’Ouganda, il sait maintenant qu’à long terme, la guerre, quand on la provoque
rien que pour des intérêts personnels et socio-stratégiques des dirigeants d’un
Etat, ne paie pas, surtout dans un contexte mondial de la région des Grands
Lacs dont les richesses peuvent être tout aussi bien des enjeux de guerre que
des enjeux de paix. Les enjeux de guerre paient à court terme, dans une
économie de chaos mafieux. Mais ils cessent de l’être à long terme, quand les
Etats comprennent à un moment ou à un autre que la paix est plus rentable que
la guerre dans les relations internationales, surtout quand les intérêts
financiers sont de taille, comme en RDC aujourd’hui.
C’est dire que maintenant., il n’y a
pas de doute sur une réalité : les pays qui ont été l’épicentre de la
tragédie dans l’est du Congo-Kinshasa ont intérêt à réorienter leurs politiques
d’ensemble, de gré ou de force, par la création et l’animation de véritables
institutions et structures de paix, pour
créer une communauté des libertés créatrices, en vue du développement
pacifique. Il ne s’agit pas là d’un vœu pieux moralisateur, mais du pur
réalisme politique pour casser l’étau de l’ordre mondial de plus en plus tenté
par un régime de tutelle quand les Nègres se montrent incapables de gouverner
des Etats modernes. Pour échapper à un tel destin, le renouveau éducatif dans
toute la région des Grands Lacs est un impératif de fond, dans un imaginaire de
liberté rayonnant au cœur des institutions de liberté. L’avenir est à ce prix.
Il sera éthique ou il ne sera pas.
Pour diminuer la croissance démograohique dans la Région des Grands Lacs, il faut distribuer les armes dans la Région et laisser les Nègres s'entretuer. Le Congo perd les vies humaines dans cette guerre. Le Rwanda perd. L'Ouganda perd. La Dignité de l'Homme Noir est diminuée dans cette tragédie. Vous qui êtes à l'Est, allez à Kampala, à Kigali, à Bujumbura pour expliquer aux Dirigeants qu'il est temps de stopper le Négrocide et l'Afrocide.
RépondreSupprimerImaginez-vous que Museveni a parlé de Bantuphonie avant moi et que la Philosophie Bantu de l'Être est sortie de la main d'un Kagame (le prêtre), et aujourd'hui un autre Kagame (petit-fils du premier) et le même Museveni semblent oublier les implications politiques, mieux les impératifs pratiques de la renaissance de la Bantuphonie, de l'Unité des Nations Nègres en général et des Nations Bantu en particulier!
Dr. M. Bilolo