A
l’occasion de la journée mondiale de la jeunesse 2013, la Maison de la culture
de Pole Institute a organisé un week-end de formation de 150 jeunes sur le
thème : « Révoltes
constructrices et politique de transformation sociale, les enjeux du changement
en République Démocratique du Congo. » C’est dans le magnifique cadre
de l’Hôtel Karibu, au bord du Lac Kivu à Goma, que l’équipe d’animation
culturelle de Pole Institute a lancé les activités de sa nouvelle université de
vacances 2013-2014 par cette formation à l’engagement politique de la jeunesse.
Pour une politique du changement
profond en RDC
La
première partie de la formation a été consacrée à la lecture, à l’analyse et à
l’étude d’un important ouvrage publié par une équipe de réflexion et d’action
de Pole Institute sous le titre : Des
révoltes constructrices pour le Congo, Expériences des accompagnateurs des
dynamiques de paix dans des contextes de crises. Sur les textes rassemblés
dans cet ouvrage, l’équipe d’animation culturelle de Pole Institute a concentré
l’esprit des jeunes afin qu’ils passent d’une lecture individuelle et d’une méditation
privée à une lecture communautaire pour
la transformation sociale autour des enjeux de révoltes constructrices dans
une société éclatée comme l’est la société du Nord-Kivu et de la nation congolaise aujourd’hui. Les
thèmes essentiels de l’ouvrage ont été analysés et étudiés en groupes.
Notamment : la fragmentation sociale, la culture de la violence, la
décomposition morale, l’effondrement de l’Etat, l’impuissance des populations,
la médiocrité des élites et l’accoutumance de la population au chaos. De la
discussion sur ces maux congolais bien connus ont jailli des orientations dont
les jeunes ont fait les leviers pour une culture non seulement d’indignation et
de refus de l’inacceptable, mais surtout de l’action pour promouvoir de
nouveaux rêves de transformation du Congo et de grandes actions d’engagement
pour changer le Congo. « Nous voulons, a affirmé un jeune, nous
débarrasser de l’esprit des jérémiades et changer le Congo par les actes
concrets et les actions visibles » Des actes qui ne soient pas ceux des
agitations violentes, mais de créations des lieux où le génie de la jeunesse
serait manifesté comme le génie d’une réflexion qui conduit à savoir où il faut
agir, pourquoi il faut agir, quand il faut agir et comment il faut agir. Des
groupes déjà en action sur le terrain comme ceux du mouvement des jeunes de La
Lucha (Lutte pour le Changement, Ndlr) et du nouveau parti centriste des Jeunes
La Nouvelle Ere UDJS (Union de démocrates pour la Justice Sociale, Ndlr) à Goma
ont saisi l’occasion du débat sur les révoltes constructrices pour présenter
leur projet de société en une exigence décisive : le changement.
Les jeunes
de la Nouvelle Ere, dans un intense et ardent désir d’action grâce aux
réflexions conduites par le jeune médecin Patrick Bala, ont rythmé leur vision
de l’avenir sur des styles des
changements précis :
-
Changement
de type de personnalité : casser avec le Congolais
inconscient et désorganisé pour l’avènement du Congolais intelligent et
soucieux de développer en lui le génie d’un peuple qui a foi en lui et qui
ambitionne de gagner les batailles du présent et de l’avenir, un peuple avec de
leaders qui soient non pas de politiciens de pacotille, mais de vrais hommes
d’Etat, responsables et imaginatifs.
-
Changement
de mode de pensée : passer des rêveries creuses à
l’organisation efficace des lieux d’invention du futur.
-
Changement
de logique de vie : quitter les rives des
médiocrités ambiantes et prendre le large vers les valeurs de l’engagement pour
une éthique de rupture avec les antivaleurs congolaises actuellement
triomphantes et pour des manières d’être dignes de respect, tant dans le monde
de l’éducation, dans le monde de la politique, dans le champ des activités
économiques que dans la sphère des activités culturelles.
-
Changement
de méthodes d’action : sortir des simagrées vides pour
viser les lieux réels où l’action transforme une nation.
La
politique de transformation sociale qui s’ouvre à ce niveau est une politique
éthique, essentiellement consacrée à bâtir un ordre de responsabilité pour les
intérêts supérieurs du pays.
Quand
aux jeunes de la Lucha dont la présence massive au week-end de formation a été
d’une extraordinaire richesse d’impulsion et de réflexion, ils ont présenté
leur mouvement comme une idéologie du
changement véritable :
-
Changement
contre le système en place, opposition et gouvernement compris.
Il s’agit d’imaginer, d’inventer et de proposer autre chose, hors des chaînes
et des prisons des structures existantes qui ont montré leurs limites et leur
incapacité à libérer le Congo de tous les problèmes dont il souffre.
-
Changement
pour un autre Congo. Ici, on ne vise pas les élites
dirigeantes, mais le peuple dans son ensemble qu’il faut conduire à comprendre
que les changements positifs pour le pays dépendent de sa capacité à changer
lui-même pour sortir de ses immobilismes actuels. En fait, c’est à chaque
Congolais et à chaque Congolaise qu’il faut s’adresser pour qu’il puisse se
dire à lui-même et à tous ses concitoyens : « Le changement passera par moi. »
Les révoltes constructrices, ce sont les
réflexions et les actions qui conduisent à construire un autre Congo possible.
Avec des personnalités politiques et des
organisateurs de communautés porteurs d’une nouvelle vision et d’un
nouveau rêve pour le présent et pour l’avenir de la nation congolaise.
«
Vous êtes une génération du changement, vous devez changer le Congo ; vous
appartenez à un pays géographiquement grand, vous devez devenir Grands, selon
le vœu de Lumumba », a
lancé le professeur Kä Mana aux jeunes attentifs et concentrés. Et il a
ajouté :
« Quand on a pour objectif
fondamental la transformation d’une société, le travail de lecture d’un texte, d’un
ouvrage comme Des révoltes
constructrices pour le Congo publié par Pole Institute n’est pas un simple
travail d’enrichissement de l’intelligence avec des connaissances et des
savoirs nouveaux. C’est un travail de tout l’être sur tout l’être, qui cherche
dans tout le texte et dans tout l’ouvrage toutes les richesses qui concernent à
la fois les savoirs fondamentaux et les hautes valeurs de la vie que la lecture
met en lumière et sème dans l’esprit, dans la conscience, dans le cœur, dans
l’imagination. Il faut savoir dans cette perspective que l’on entre dans un
livre comme dans une île aux trésors, dans un champ où l’on cherche un
potentiel de vie et d’action pour agir face aux questions fondamentales de la
personne, du pays et du monde. On y entre pour s’y nourrir et s’enrichir
existentiellement, avec la préoccupation de s’engager dans de grands
changements en soi-même, dans son pays, dans sa société et dans le monde. C’est
à cela que vous êtes appelés et vous devez gagner cette bataille du changement
positif et profond. »
La réponse des jeunes à ces injonctions et à la lecture du livre de
Pole Institute a été abondamment reprise en chœur tout au long du
week-end : « Oui, nous allons changer le Congo ».
Les
atouts, les obstacles et les choix pour l’avenir
Le pasteur Camille Ntoto, qui dirige
actuellement l’Académie du leadership, au centre Un Jour Nouveau à Goma a tenu aux jeunes le langage de vérité sur les
exigences à remplir et les responsabilités à prendre si l’on veut changer le
Congo. Dans une prodigieuse maïeutique qui a conduit les jeunes à enfanter
eux-mêmes ces exigences et ces responsabilités, il les a rendus
sensibles :
-
aux atouts immenses de la RDC en
richesses naturelles et en ressources humaines ;
-
aux handicaps majeurs qui ne permettent pas au
Congo de mettre à profit tous les atouts
dont il dispose;
-
aux choix à faire pour que la génération
actuelle des jeunes, qui est une génération à l’âge du dynamisme de fondation,
de créativité, de passion et du désir de grandeur, devienne une chance pour la
nation.
Suscitant
un débat de fond entre les jeunes sur leurs rêves et leurs comportements,
Camille Ntoto leur a peu à peu ouvert les yeux sur une vérité capitale : « La jeunesse n’a pas d’autre choix
que de changer le pays en se changeant elle-même », selon une
dynamique de leadership dans les grands domaines où le changement est
indispensable. Notamment : l’économie, la politique, la culture,
l’éducation, la famille, l’art et la religion. Ces domaines, chaque jeune devra
savoir comment, selon ses talents, il devrait s’y investir et devenir une force
d’influence et de changement.
Camille Ntoto, que le professeur Kä Mana a présenté comme
un homme d’intelligence, de valeurs et de profonde spiritualité, a proposé ces
orientations concrètes qui ont convaincu les jeunes par leur force de vérité et
de lucidité. « Il a raison, a affirmé un jeune, c’est dans son sens que nous
devons aller. »
Les énergies du
Genre pour dynamiser la transformation du Congo
Mais peut-on aller dans ce sens si le Congo des énergies
de ce que l’on appelle aujourd’hui politique du Genre ? Il revenait à la
professeure Claudine Tsongo, juriste de l’Université Libre des Pays des Grands
Lacs, de conduire les jeunes à répondre à cette question. Dans un débat à bâtons rompus sur la culture
du patriarcalisme et ses conséquences désastreuses pour la gestion du Congo et
la gouvernance du pays, elle a mis le doigt là où la nation a mal : les
relations entre l’homme et la femme dans tous les domaines de la vie en RDC. Un
pays qui entretient les inégalités et les injustices dans le domaine du Genre
est un pays qui n’ira nulle part. Le changement que les jeunes cherchent, c’est
dans la dynamique du Genre qu’il faut l’impulser dès maintenant, afin que les
jeunes mobilisent les ressources, toutes les ressources de créativité des
femmes pour un autre Congo
possible. A la fin d’un débat houleux
qui manifestait à la fois les lourdeurs d’un masculinisme invétéré chez
certains jeunes hommes tout autant que le désir partagé par beaucoup d’autres
de faire du Genre la fondation et le socle du changement, la parole de la
professeure Claudine Tsongo a été intériorisé dans l’ensemble comme un souffle
pour de nouvelles initiatives chez les jeunes hommes et chez les jeunes filles,
ensemble, pour un autre Congo.
Une politique de
la jeunesse existe au Congo
C’est avec Léopold Rutinigirwa, chercheur à Pole
Institute que s’acheva la série des débats du week-end de formation. Il était
venu présenter aux jeunes un document très peu connu et pourtant
important : La politique de la jeunesse en République Démocratique du
Congo. Conçu et publié par le Ministère de la jeunesse et des sports, depuis
Août 2009, le document propose une vision et des stratégies pour que les jeunes
prennent la place qui est la leur dans la nation : celle d’une majorité
qui doit contribuer à l’invention de l’avenir. La vision, c’est de faire de la
jeunesse congolaise une force éthique et dynamique. La stratégie, c’est de
pousser les jeunes à imaginer des actions pour briser la fatalité du
pessimisme.
L’art, notre
énergie
La session de formation a donné à certains artistes
musiciens jeunes et poètes (Groupe GENE FUOCO, Germaine Sangara etc.) de la
Ville de Goma de montrer la puissance de
leurs talents dans des prestations splendides et vigoureuses d’où l’on pouvait
sortir qu’avec un sentiment de grand optimisme pour le pays : un jour ou
l’autre, les jeunes changeront le pays. Grâce à des révoltes constructrices et
à des initiatives de transformation social, seul chemin de lumière et
d’espérance.
Par
Godefroid Kä Mana
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire