mercredi 18 juin 2014

Vient de paraître. Tshiunza Mbiye et Kä Mana, Le Nouvel Homme Congolais

Vient de paraître

Le "Nouvel Homme Congolais", par Tshiunza Mbiye et Kä Mana, Editions Cerdaf, Kinshasa 2014

Préface de Denis Bosomi Limbaya
Recteur de l'Université Saint Augustin, Kinshasa



Une révolution de la sagesse

Aujourd’hui, la RD Congo est Confrontée à la tâche gigantesque de devenir ce qu’elle représente dans le monde par son potentiel de ressources naturelles.  Malgré ses problèmes, ses souffrances et ses tragédies, elle est, si l’on peut dire, au tournant de son destin d’éventuelle grande puissance parmi les nations. C’est le moment propice où elle a besoin que ses meilleures intelligences et ses forces les plus vives lui disent ce que toutes ses populations devraient savoir une bonne fois pour toutes. Notamment  que la croyance en un Congo immensément riche est totalement stérile si n’émergent maintenant de Nouveaux Congolais capables de faire de notre espace national un espace d’intelligence et de vitalité créatrice, avec des valeurs nationales aux antipodes de ce que le  monde entier pense et dit de l’homme congolais actuel dans ses dimensions négatives : ses déficits, ses incuries, ses dérives, ses incompétences et ses dévoiements.
Ce que j’aime avant tout dans le dialogue que propose le présent livre entre l’économiste Tshiunza Mbiye et le philosophe Kä Mana, c’est leur parti pris de refuser un enfermement dans le discours négatif concernant la RDC. Ils se concentrent sur l’essentiel : l’exigence de voir émerger dans notre pays un nouvel homme congolais. C’est-à-dire des hommes et des femmes capables de sortir notre patrie de sa crise économique et socioculturelle et de le  transformer en un pays phare d’Afrique, en une patrie humus pour tous ceux qui, aujourd’hui, croient en l’avenir du continent africain.
J’aime aussi la vision de l’Afrique et du Congo qui est proposée ici. Elle brille comme un nouveau mythe de vie pour notre pays. Elle est une énergie de foi en un Congo nouveau et elle gronde sans doute dans le cœur de chaque Congolaise et de chaque Congolais aujourd’hui. Pour construire cette grande et forte vision de l’avenir, Kä Mana et Tshiunza Mbiye désignent avec fermeté les conversions indispensables à entreprendre, sur la base des atouts décisifs puisés dans « le tuf authentique de la riche culture congolaise et des trésors moraux de toute l’histoire des peuples africains comme peuples de la grande espérance humaine contre tous les pouvoirs de domination, de destruction et de mort. »[1] Les réserves de ce tuf d’authenticité de l’Afrique, l’imaginaire congolais en regorge et tout ce livre les considère comme les fondements du futur. C’est à les connaître, à les enseigner et à les offrir comme richesses éthiques et spirituelles que se consacrent les auteurs, avec bonheur, dans des échanges d’une remarquable intensité sur « l’homme congolais, ses ambitions économiques, ses structures anthropologiques et ses dynamiques socioculturelles. »[2]
J’aime également la manière dont les débats économiques, sociaux, politiques et culturels contemporains sont mis au service de l’émergence du nouvel homme congolais. Ces débats enracinent cet homme dans les combats d’aujourd’hui, pour une économie humaine, une politique humaine, une société humaine et une culture d’humanité. Ce qui est offert à ce niveau, c’est le pouvoir de l’Afrique à être présente dans l’invention du futur, avec le nouveau Congo comme cœur de nouvelles ambitions éthiques du monde.
Enfin, j’aime  la sérénité du débat, sa consistance, son souci des vérités profondes et son ouverture à ce que l’humanité ne devrait jamais cesser de chercher : les valeurs qui ont fait d’elle ce qu’elle est. L’Afrique est soucieuse de ces valeurs. Le Congo aussi. Ce sont ces valeurs qui créeront le nouvel homme congolais et lui donneront une place de choix dans les quêtes d’un autre monde possible, préoccupation centrale de la société mondiale actuelle.  
Faut-il dire à ce niveau que le thème de l’homme nouveau doit être manié avec doigté, attention et perspicacité dans la réflexion sur l’avenir ? Je le pense. L’expérience a montré que partout où les révolutions ont voulu créer un homme nouveau, des catastrophes ont surgi. Des expériences terribles de l’inhumain ont vu le jour, comme dans les horribles mythologies et les monstrueuses pratiques du nazisme, du stalinisme ou même du mobutisme.
La force du dialogue entre Tshiunza Mbiye et Kä Mana, c’est de savoir tout cela et de ne pas verser dans l’exaltation folle d’une révolution hasardeuse et violente. Elle offre plutôt une révolution de la sagesse dans un monde qui en manque cruellement. Ce monde a besoin qu’on lui rappelle ce qu’être humain veut dire et surtout ce que l’avenir doit inventer pour que la vie soit vraiment une vie humaine.
J’espère que la voix de cette sagesse sera entendue dans notre pays et que le nouvel homme congolais sera autant l’homme d’intelligence que l’homme de sagesse.  

Denis Bonsomi
Recteur de l’université Saint Augustin à Kinshasa


[1] Je reprends le mot de Kä Mana dans sa présentation de ce livre aux étudiants du Département Paix et Développement de l’Université Evangélique en Afrique (UEA, Bukavu).
[2] Ibid.

Nouveau livre de Kä Mana : Pour l'économie du bonheur partagé






Vient de paraître

Kä Mana, Pour l’économie du bonheur partagé : construire une société heureuse, Kinshasa, Editions du Cerdaf, 2014

Par Omer Tshiunza Mbiye
  
Dans Ce livre, on trouvera des réflexions consacrées à l’urgence de construire une société heureuse en République Démocratique du Congo et partout en Afrique, grâce à un humanisme planétaire du bonheur économique et social partagé. Il s’agit d’une démarche de ce que les philosophes appelleraient l’anthropologie économique : une certaine vision de l’homme et de la société comme communauté de destin confrontée aux impératifs de la prospérité matérielle et aux exigences des valeurs de vie pour assurer et garantir cette prospérité communautaire.
Le philosophe Kä Mana s’emploie à penser cette voie du bonheur économique partagé selon l’ordre de la liberté, de la responsabilité et de la créativité des citoyens, par le canal du développement et de la promotion de l’enrichissement de l’être humain dans ses ressources fondamentales et dans son pouvoir de plénitude de vie. C’est-à-dire l’énergie dans laquelle toute communauté qui veut grandir en humanité et prospérer en production des richesses pour tous doit investir la meilleure part de sa volonté et de son génie.
Pour le philosophe congolais, cette perspective de vision est principalement aujourd’hui un besoin de sortir résolument de l’ultracapitalisme, ce système dont la RDC est actuellement une proie facile, et l’Afrique, un irrésistible aimant. Pour penser et dérouler les impératifs de ce besoin d’une nouvelle société hors des carcans de l’ultralibéralisme, Kä Mana propose au grand public cultivé congolais une lecture riche et fortifiante du livre La cause humaine écrit par un important témoin de notre temps : le penseur français Patrick Viveret. Ce livre est à la fois un hymne à l’avenir et un cri de confiance en la capacité créatrice de l’homme. Nous pensons que sa substance intéresse au plus haut point les préoccupations de l’homme congolais et les utopies de l’Afrique entière, surtout quand il s’agit, comme aujourd’hui, de refonder l’économie sur les valeurs de l’humain pour l’ensemble de l’humanité.
L’auteur propose en même temps une lecture africaine d’un autre grand livre européen : L’économie du bien et du mal, écrit par le penseur tchèque Tomas Sedlacek. Il s’agit d’un ouvrage magistral dont l’ambition est de rechercher « l’esprit de l’économie » en visitant toute l’histoire des visions économiques depuis les mythes les plus anciens de l’humanité jusqu’à notre époque actuelle. Une fois mis en relief ce que l’économiste tchèque a vu et défini, le philosophe congolais a voulu savoir ce que l’Afrique peut offrir comme fondements anthropologiques à l’économie dont le monde a besoin maintenant, dans le contexte de crise globale d’un système de moins en moins capable de guider « l’esprit économique » de manière claire et fertile.
Sur la même lancée, il analyse d’un point de vue africain un autre livre d’un grand témoin de notre temps, l’économiste australien John Quiggin, une grande intelligence iconoclaste dont notre pays et notre continent gagneraient à écouter la voix de sagesse et d’espoir. Significativement intitulé Economie zombie, ce livre présente, scrute et démystifie les idées fausses qui, au cœur du libéralisme de marché, ruinent les possibilités et les promesses d’une nouvelle orientation économique pour l’humanité.
Pousuivant son investigation, Kä Mana se penche sur un quatrième livre : Histoire de la modernité, de Jacques Attali, l’un des esprits les plus éclairés et les plus lucides dans l’Occident actuel. Sa pensée conduit le philosophe congolais à construire une nouvelle conscience africaine face aux défis auxquels les sociétés contemporaines sont confrontées, surtout celui d’inventer une civilisation de l’altruisme et une culture de la convivialité à l’échelle planétaire.
 Enfin, l’auteur s’attache à mettre en lumière le message de ceux qu’il appelle les prophètes du sens économique. Parmi ceux-ci, un témoin de taille : le moine bouddhiste français Matthieu Ricard. Il est invoqué pour la force de son anthropologie et de ses enjeux éducatifs pour une économie du bonheur partagé. Kä Mana invoque en même temps les dynamiques de l’économie sociale et solidaire, chemin vers une nouvelle vision de la prospérité matérielle et de la vraie richesse humaine. A ceux-là sont reliées les associations d’action politique et culturelle qui sont aussi les lieux d’une nouvelle perception du sens économique.
 Ces cinq premiers chapitres achevés, le philosophe congolais reprend un texte prémonitoire sur l’éthique et l’économie, une conférence qu’il avait présentée à un colloque organisée par l’Ecole des Hautes Etudes de Montréal, au milieu des années 1980.  Les problèmes de l’ultralibéralisme qui se posent aujourd’hui avec acuité y sont déjà perçus avec force et lucidité.
A partir de la relecture de cette conférence et de l’analyse des enjeux humains mis en lumière par les grands témoins de notre temps, l’auteur se tourne vers les enjeux congolais de toutes les réflexions déployées dans le présent livre. Il les prend comme socle pour penser les questions concrètes de la nation congolaise aujourd’hui. Principalement : l’exigence de cohésion nationale dans une éthique de la reconstruction de l’imaginaire congolais pour le bonheur partagé. Nous savons que les temps sont favorables pour la promotion d’une telle éthique et l’auteur en définit les conditions pour réussir cette nouvelle orientation de notre destinée nationale.
Cela le conduit à se concentrer sur l’économie congolaise comme enjeu de puissance, autour de la question de la monnaie et de sa signification anthropologique. Cette question est capitale et la manière dont les responsables économiques et financiers de notre nation y répondent déterminera ce que le génie humain congolais pourra être dans l’avenir : une force de grandeur et de rayonnement ou un poids d’impuissance chronique et de déchéance endémique.
Au cœur des préoccupations ainsi mises en lumière, c’est de l’homme congolais qu’il s’agit : de sa solidité intérieure, de la fécondité de son imaginaire, de sa capacité à s’inventer un grand avenir et de l’énergie qu’il veut assumer par la foi en ses propres dynamiques de destinée en Afrique et dans le monde. Comment doit-il aujourd’hui développer les capacités créatrices qui constituent son capital le plus riche ? Quelles sont les voies qu’il doit  ouvrir et les moyens qu’il doit inventer pour construire le présent et le futur du pays ?
La réponse à ces questions est dans une dynamique éducative solide. L’auteur s’y consacre en mettant en lumière les pathologies dont souffre la société congolaise en matière de leadership et du développement humain. Il ouvre en même temps les horizons pour remédier à cette crise de l’homme et de la société aujourd’hui, grâce à une vision du changement dans les principes éducatifs.
 De cette réflexion, nous partageons la substance et le sens. Nous sommes sensible non seulement à la manière dont l’auteur s’inscrit dans les grands enjeux économiques du monde contemporain, mais surtout à la force avec laquelle il éclaire ces enjeux du point de vue de l’éthique africaine.  Dans ce livre, l’Afrique parle dans son histoire et dans ses valeurs de civilisation qui sont définies comme valeurs d’avenir, dans un humanisme du bonheur partagé : chemin, clé et secret pour la construction et l’avènement d’une société heureuse.
         Au moment où le Congo cherche péniblement une vision fertile pour ouvrir une voie économique nouvelle et contribuer à l’émergence d’un autre monde possible, le présent livre d’anthropologie économique et de philosophie pour une nouvelle économie arrive à point nommé. Il aidera à nourrir les débats congolais et africains sur une éthique économique mondiale et sur le rêve d’un autre monde possible. Un monde dont l’Afrique serait la route de vie et la force d’invention.                        
Omer Tshiunza Mbiye
Président du Club pour l’Eveil du Congo


SEMAINE UNIVERSITAIRE DE GOMA : Mythes porteurs de vie et Révoltes constructrices




Pole Institute en action

La semaine universitaire de Goma


 Un cadre éducatif pour changer la société

Du 17 au 23 mai 2014, Pole Institute et l’Institut supérieur catholique de Goma ont organisé une semaine universitaire de réflexion sur le thème : « Révoltes constructrices et mythes porteurs de changement sociopolitique en République Démocratique du Congo. » Cette semaine s’inscrit dans le cadre du lancement de la coopération entre les deux instituts en matière de formation au leadership et d’éducation aux valeurs citoyennes face à la crise de l’Etat, à la léthargie des institutions publiques  et à l’effondrement de l’éthique civique au Congo.
Pour donner aux jeunes universitaires l’idée de la lutte contre cette situation de fait et sur les stratégies à mettre en œuvre pour la changer de fond en comble, Pole Institute travaille depuis un temps sur le concept de révoltes constructrices comme force d’éveil citoyen pour les générations montantes  et sur l’urgence de penser des mythes porteurs de changements fertiles en RDC. La semaine universitaire était destinée à faire comprendre aux jeunes le contenu, le sens et la dynamique de ces concepts afin d’en saisir les impératifs d’action, d’en incarner concrètement le souffle par des initiatives visibles et d’en reprendre de manière créative l’ambition et les espérances au sein des institutions de formation supérieure.
63 jeunes venus de l’Institut Supérieur catholique (Issa), de l’Université libre des Pays des Grands Lacs (ULPGL) et de l’Institut Supérieur Technique des arts et du Développement (ISTAD) ont activement participé à cette semaine de formation.

La question des mythes porteurs
Les deux premiers jours ont été consacrés à l’introduction aux mythes comme forces motrices de l’esprit humain. Il s’agissait de réfléchir sur une réalité : depuis les vieilles civilisations de la Mésopotamie, de l’Egypte pharaonique et de la Grèce antique jusqu’à nos jours, les hommes inventent des récits qui peuplent leur vie quotidienne sous formes de contes, légendes, fables, paraboles, fabliaux ou romans. Parmi ces récits, les mythes occupent une place centrale comme explication des origines du monde, de la marche de l’histoire et du sens de la vie. A quoi peuvent servir ces vieux récits aujourd’hui ?  Pourquoi y faire recours alors que nous vivons dans un monde où les événements qu’ils évoquent sont perdus dans la nuit des temps ?
Pour répondre à cette question, deux mythes ont été proposés aux jeunes dans un effort de compréhension et d’analyse pour notre temps : le mythe d’Œdipe dans la Grèce antique, et  le mythe d’Isis et Osiris dan l’Egypte ancienne.

Deux mythes connus
Les deux histoires sont connues. Enfant abandonné et fils  adopté du Roi Polype  de Thèbes, Œdipe n’échappe pas au diktat que le destin lui avait prescrit : il tue son père et épouse sa mère. Cela amène sur Thèbes, dont il est devenu Roi, souffrances sur souffrances, calaminés sur calamités, ruines sur ruines. Quand il découvre qu’il est, par les actes qu’il a commis, responsable des malheurs de sa société, Œdipe se crève les yeux, quitte le pouvoir et se retire loin de sa société. Quant à Osiris, il est le modèle d’une gouvernance de prospérité et de bonheur. Mais il est tué par son frère dont l’exercice dictatorial du pouvoir ruine le pays. Ce frère, Seth sera vaincu par le fils d’Osiris, Horus, grâce à la puissance créatrice d’Isis, sa mère. Le pays sera ainsi pacifié de nouveau, la prospérité sera retrouvée et le bonheur  partagé par tous. 
Plongeant dans ces histoires à partir de la situation actuelle du Congo, les participants à la semaine universitaire ont saisi d’emblée la dimension éducative des mythes antiques :
-          la dimension de production des valeurs éthiques pour fonder l’être-ensemble (le bien et le mal);
-          la dimension de révélation des logiques sociales de base (le permis et l’interdit) ;
-          la dimension d’impulsion d’énergies créatrices pour construire la personnalité sociale et l’identité collective (les héros-modèles et les contre-modèles) ;
-          la dimension d’ouverture des possibilités nouvelles grâce au pouvoir que chaque mythe donne à ceux qui l’écoute de devenir un créateur d’avenir et de résoudre les problèmes auxquels la société est confronté ici et maintenant.
Saisir ainsi les mythes anciens conduit à se demander quels problèmes contemporains ces récits nous permettent de penser et de résoudre et quels mythes nous devons nous-mêmes inventer pour les générations futures
Trois faisceaux des problèmes ont été identifiés :
-          Le faisceau de la critique politique. Beaucoup de leaders responsables du désastre du continent africain gagnerait à méditer le mythe d’Oedipe pour « se crever les yeux » devant leur bilan et faire le choix de céder le pouvoir à des successeurs plus responsables. Dans le mythe d’Isis et d’Osiris, le pouvoir se légitime par la capacité de créer un ordre de prospérité et du bonheur partagé. Quand on s’éloigne de cette ligne d’action, il faut qu’émergent des forces de révolte pour casser les ressorts de la dictature et fonder un ordre nouveau.
-          Le faisceau de l’éducation éthique de la jeunesse, pour la production, la création et la construction d’un imaginaire du refus des antivaleurs et de la promotion d’une société de responsabilité et de prospérité. Les modèles mythiques comme Osiris et son fils Horus sont des énergies pour fertiliser la conscience éthique de la jeunesse.
-          Le faisceau d’invention d’utopies et d’espérances d’une autre Afrique possible. Le mythe d’Œdipe et le mythe d’Isis et Osiris sont des récits pour faire rêver les esprits et les engager dans la bataille des changements en profondeur.
            Avec ces faisceaux d’actualisation, on comprend ce que signifient les révoltes constructrices dont les générations africaines montantes devraient faire le cœur de leurs stratégies pour changer la société : refuser l’ordre de destruction de l’Afrique par les Africains et les pouvoirs de démolition de l’avenir du continent par des pouvoirs incultes ; s’indigner devant l’inacceptable dans tous les domaines et s’engager de manière pacifique dans des initiatives de changement créatif ; rêver d’un avenir de grandeur et d’émergence d’une nouvelle Afrique dans l’ordre mondial et agir en conséquence.
            Un domaine a été choisi pour montrer en quoi peut consister les révoltes constructrices aujourd’hui : le genre comme construction d’un nouvel ordre social.
On l’a considéré d’abord comme lieu des dynamiques de domination dont les femmes sont victimes dans l’Afrique actuelle, à travers les coutumes rétrogrades des atavismes culturels mal digérées, des traditions coloniales centrées sur des hiérarchies implacables et d’une mauvaise lecture des livres sacrés dont on se sert pour dominer les femmes, les inférioriser et les marginaliser. Il faut s’indigner et se révolter contre cela pour qu’une nouvelle société émerge, autour des valeurs de respect, de collaboration, d’équité et de bonheur partagé. Cela demande des initiatives concrètes prises par des hommes et des femmes pour un mode nouveau d’être ensemble et de vivre ensemble dans une société de paix.
Selon cette perspective, les révoltes constructrices sous le signe du genre concernent toutes les inégalités, toutes les injustices, toutes les discriminations et tous les ostracismes dans la société. Les jeunes devront s’indigner face à tout cela et s’engager à constituer des groupes d’action pour l’émergence d’une nouvelle société. Leurs révoltes deviendront ainsi des énergies constructrices dans les domaines politiques, économiques et politiques.
Dans les débats sur les mythes porteurs de changement et les révoltes constructrices, l’attention des jeunes s’est concentrée sur l’horizon des responsabilités qui s’ouvre à eux et sur les décisions qu’ils doivent prendre maintenant dans la perspective du changement en RDC.
Quelques affirmations des jeunes, parmi les plus fortes de la semaine universitaire :
-          « Je sais maintenant ce que je dois faire : entrer dans la politique du changement ».
-          « Beaucoup des choses m’indignent, mais je ne savais pas que l’indignation doit conduire à une révolte constructrice ».
-          « Je crois maintenant aux mythes que sont les personnalités africaines : Lumumba, Sankara ou Mandela. Je vois à quoi ils servent ».
-          « Ma révolte constructrice, c’est la révolution agricole. C’est là désormais  mon cheval de bataille avec les jeunes qui seront avec moi ».
-          « Les mythes servent à éduquer les leaders pour le changement. »
-          « Monsieur, on fait comment pour devenir un mythe ».

Prochaine session : Le Mythe africain de Kaïdara et le mythe grec de Dédale et Icare. Quelles valeurs sociales exaltent-ils ? Quelles logiques sociales révèlent-ils ? Quelles impulsions donnent-ils à l’être humain et aux sociétés ? Quelles utopies proposent-ils ? A quelles révoltes constructrices nous engagent-ils ?

Solange Gasanganirwa et Kä Mana