Par Kä Mana
Introduction
Dans les débats sur les relations
fortement tendues aujourd’hui entre le Rwanda et la République démocratique du
Congo autour du groupe M23 et de ses
actions politico-militaires, je suis sensible à deux préoccupations qui
méritent une attention particulière de la part de toutes les forces sociales et
politiques qui veulent bâtir des ponts de concorde et d’inter-fécondation
réussie entre les deux pays et promouvoir une paix durable au sein de leurs
populations. Particulièrement au sein des populations du Kivu meurtries par des
idéologies meurtrières et des guerres à
répétition, avec tout leur cortège de souffrances, de tragédies et de
cauchemars profondément destructeurs.
La première préoccupation, c’est celle
que tout le monde appelle maintenant les causes profondes de la guerre du Kivu.
Causes auxquelles il convient de donner des réponses, tout aussi profondes,
contrairement aux solutions superficielles dont il faut dénoncer
l’insignifiance, l’infécondité et l’inefficacité.
La deuxième préoccupation concerne les
capacités réelles, pour les forces de la paix, d’endiguer les houles de la guerre
et de mettre en place des conditions, des mécanismes et des dynamiques de paix
sur le long terme, autrement que par des discours actuels et des pratiques
manifestement inaptes à changer le cours de la situation qui prévaut maintenant
dans les relations entre le Rwanda et le Congo.
Du
superficiel au profond
Il est frappant de voir comment
l’expression « causes profondes de la guerre du Kivu » est devenue,
en peu de temps, un élément nouveau qui se popularise comme expression de
langage dans tous les milieux qui parlent de la situation actuelle dans la
région. Du haut de la pyramide politico-militaire du M23 comme dans la parole
courante des milieux intellectuels et des acteurs de la paix que je
rencontre ; dans les hautes sphères des autorités religieuses comme dans
les mouvements des jeunes en quête de nouvelles espérances pour le peuple du
Congo comme pour celui du Rwanda, tout donne l’impression qu’il y a un niveau
de lecture de la guerre qui est superficiel et un palier plus en profondeur,
comme dirait Georges Balandier, que l’on veut maintenant atteindre pour penser
et vivre une paix véritable. Une paix durable, fertile, basée sur une analyse
solide du vécu actuel des populations du Kivu et des relations qu’entretiennent
le Rwanda et la RDC.
Pour pouvoir accéder à ce palier plus en
profondeur de la situation rwando-congolaise aujourd’hui, j’ai pensé qu’il est
de bonne méthode de chercher clairement à savoir avant tout quelle est la
lecture superficielle contre laquelle on doit s’insurger maintenant et pourquoi
une telle lecture masque les causes profondes qu’il convient de mettre en
lumière.
Face à cette exigence, mon regard et ma
pensée se sont tournés spontanément vers la gestion militaire, politique et
diplomatique actuelle du problème de la guerre du Kivu. Dans la mesure où c’est
cette gestion elle-même qui, par ses limites et ses étroitesses de réflexion et
d’action, pousse vers l’exigence de chercher les causes profonde de la guerre,
il est utile de se demander ce qui, en elle, pose problème.
J’ai le sentiment que la solution
militaire au problème du Kivu n’a été, jusqu’à ce jour, qu’une avalanche des
catastrophes humaines, sociales et écologiques, dans des fleuves et des lacs de
sang qui inondent la région et la détruisent littéralement. La logique
meurtrière des armées et des innombrables milices, les ravages dans les
villages et les folies des vengeances sans fin dans les zones des conflits, la
banalisation des assassinats et les torrents d’insécurité dans une ville comme
Goma, la culture de la violence avec ses viols permanents, ses terreurs
entretenues et ses haines semées dans les consciences, qui ne voit pas que tout
cela n’est qu’anéantissement de tout
sens de l’humain et des valeurs de vie dans une région dont les meurtrissures
ne cesseront jamais par la guerre ? Malheureusement, il est inquiétant de
voir encore certaines personnalités parmi les plus prestigieuses comme Jacques
Chirac, Robert Badinter, Federico Mayor, Abdou Diouf, le docteur Mukwege ainsi
que la ministre française de la francophonie et la compagne du président de la
République française, proposer encore cette voie de guerre en toute
tranquillité d’esprit. Dans une déclaration récente, qui circule aujourd’hui
dans tous les médias, ces personnalités demandent que la Monusco règle
militairement la question du Kivu pour mettre fin aux souffrances des
populations et imposer aux groupes armés, particulièrement au M23, une paix à
la Françafrique, dans les fracas des bombes, les déflagrations des canons, les
fureurs des missiles et la marche funèbre des tanks qui iraient jusqu’à
décourager et à maîtriser le pays qui est soupçonné d’être le vrai soutien aux
rebelles et le vrai commanditaire de la guerre du Kivu : le Rwanda.
L’intention est louable peut-être et elle relève sans doute de bons sentiments
d’indignation et de révolte, mais elle est fondée sur une analyse courte,
étroite et, pour tout dire, fausse. Une analyse qui réduit la guerre du Kivu à
une simple question d’intérêts économiques autour des richesses immenses de la
RDC, alors que la situation est plus complexe et ses enjeux plus vastes. Il
faut aujourd’hui creuser plus en profondeur et regarder plus loin vers l’avenir
du Congo et de la région des Grands Lacs, si l’on veut des solutions durables
au drame de la RDC.
La voie politique d’alliances hautement
médiatisées et de ruptures fracassantes, tout aussi hautement médiatisées, entre le Congo et le Rwanda, n’a
pas non plus abouti à une paix durable, du moins jusqu’à ce jour. La raison en
est qu’il n’y a pas sur cette voie, telle qu’elle est pratiquée actuellement,
une prise en charge concrète du bien commun des peuples du Rwanda et du Congo
comme base d’une politique intelligente, guidée par une sagesse des valeurs
fondamentales. Une sagesse qui refuserait les mensonges, le double langage, les
méfiances et les haines qui tissent aujourd’hui les relations entre les
dirigeants de ces deux pays. Une sagesse capable d’instaurer une vision des
intérêts vitaux communs où devraient être unies toutes les nations des Grands
Lacs à partir de l’axe RDC-Rwanda. Il est curieux et surprenant que, dans la
déclaration d’éminentes personnalités comme Chirac, Mayor, Diouf, Badinter,
Mukwege et les autres, une telle vision ne soit pas proposée en vue d’un
dialogue fertile entre les deux pays, autour des grandes attentes des
populations, des grandes aspirations de la société et des grands rêves de nos
peuples. Attentes, aspirations et rêves où la guerre n’est pas du tout vue
comme une solution d’avenir.
Il en est de même de la voie de
diplomatie aveugle qui engage aujourd’hui la communauté internationale dans les
négociations entre les pouvoirs en place au Congo et au Rwanda, soit dans le
cadre de la CIRGL pour l’envoi d’une force militaire neutre sur le terrain,
soit dans l’implication de la SADC comme arbitre possible dans le conflit, avec
des contingents militaires lourdement armés, soit dans les rapports d’experts
des Nations unies toujours plus prompts à attiser le feu de la guerre qu’à
insuffler une dynamique de paix durable. Parce qu’elle mise sur l’usage de la
force militaire comme solution au lieu d’ouvrir l’horizon d’une paix fondée sur
un vrai sens de responsabilité politique de la part des dirigeants ; parce
qu’elle ignore les vrais intérêts des peuples au profit du pouvoir en place en RDC,
cette voie est devenue un cul-de-sac et un sarcophage pour nos espérances. Il
est incroyable que Chirac, Diouf, Badinter, Mayor, Benguigui, Mukwege, Kidjo et
les autres, entraînés par la plume vive de M. Eric Orsenna et par son
humanitarisme sentimentaliste dénué de tout sens de l’analyse lucide des
problèmes, n’aient pas vu qu’une diplomatie des bombes et des tanks ne peut
résoudre en profondeur les problèmes que pose la guerre du Kivu.
En vérité, si l’on veut sortir du
sarcophage et casser la logique du cul-de-sac qui caractérisent les voies
militaires, politiques et diplomatiques qui font de l’usage des armes une
solution alors que cet usage est, en lui-même, un problème, il est impératif de
se consacrer à une analyse claire, rigoureuse et globale de la situation, avec
un regard fructueux sur la manière dont le Rwanda et le Congo, du point de vue
des dirigeants comme du point de vue des populations, regardent, considèrent et
problématisent leurs relations, au sein des récits qu’ils promeuvent publiquement
concernant les sources et les enjeux des différends qui les opposent.
Le
récit congolais sur la guerre du Kivu
Le récit congolais sur la guerre du Kivu
est une trame bien connue aujourd’hui. Il se déroule et s’étire sur une vaste
lame de fond ardemment aiguisée par
mille intrigues et péripéties selon le narrateur. En le considérant comme un
récit fondateur d’une logique socialement partagée en RDC, on peut le
reconstruire, globalement, de la manière suivante :
Après le génocide, raconte-il, le
pouvoir rwandais s’enfonça dans la logique du tout-sécuritaire et
d’anéantissement de toute menace de déstabilisation de son espace par ce que
l’on a désigné, dès ces temps-là, par le terme de forces négatives. Une guerre de traque implacable de ces forces
négatives sur le sol congolais fut déclenchée, avec toute la mécanique
destructrice indispensable. Les forces négatives s’organisèrent à leur tour et
mirent sur pied une machine guerrière sur le sol congolais : la machine
dite des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR).
Mais les deux machines guerrières, celle
du tout-sécuritaire au cœur du Rwanda et celle des forces génocidaires
rwandaises à l’intérieur du Congo, loin de s’affronter dans leurs enjeux
rwando-rwandais, se muèrent vite en rouleau compresseur destructeur pour le
Congo. Leur guerre devint vite une guerre contre le Congo.
Ici le récit prend la tonalité de haine
congolaise contre cette subversion du sens de la guerre entre le Rwanda de
l’intérieur et les Rwandais génocidaires du Congo. Ceux-ci, devenus un
mouvement militairement organisé, s’employèrent à conquérir des espaces vitaux
sur le dos des Congolais qui les avaient pourtant fraternellement accueillis,
dit le récit. Ils commencèrent à
massacrer les populations congolaises pour occuper leur terre, avec le
terrible esprit de destruction dont ils avaient déjà fait montre dans le
génocide des Tutsi au Rwanda. Face à ce retournement de la situation contre
eux, les Congolais furent contraints de se défendre sur leur propre terre.
Ainsi naquit la logique des milices congolaises, destructrices dans leur
essence, pour répondre à la destruction dont leurs ressortissants sont victimes
de la part des forces négatives rwandaises. Cette logique s’intensifia d’année
en année en un volcan de haine contre tout qui est rwandais et en une volonté
d’anéantir le Rwanda considéré comme la cause de tous les malheurs du Congo.
Il serait intéressant à ce niveau du
récit de signaler un point d’analyse important. Le récit se déroule comme si
dans l’imaginaire congolais, le Rwanda était un et qu’il était uniformément
perçu par les Congolais, avec une vision claire où les Hutu et les Tutsi
seraient traités au même titre comme des ennemis de la nation congolaise. La
situation n’a pas été vraiment telle que le récit la présente. Bien avant le
génocide, grâce à l’ambiance d’amitié que le régime de Mobutu Sese Sese au
Zaïre et celui de Juvénal Habyarimana au Rwanda avaient créée, la politique de
marginalisation ethnique des Tutsi au Rwanda n’avait jamais été remise en cause
par les Congolais. Elle était même acceptée et l’analyse de l’imaginaire du
congolais moyen qui s’intéressait au Rwanda en ces temps-là montrerait
aujourd’hui que le Rwandais qui posait problème au Congo n’était pas celui qui
appartenait à la tribu au pouvoir au Rwanda, mais celui que le pouvoir avait
marginalisé : le Tutsi. Mais cette vérité était longtemps masquée par le
fait que Mobutu avait mis à côté de lui un Tutsi comme directeur du Bureau de
la présidence, poste d’importance capitale dans le fonctionnement du système
politique zaïrois de l’époque. Cependant, le masque, au lieu de fonctionner
comme un masque utile, avait plutôt suscité une animosité contre la tribu même
que représentait le tout-puissant directeur de cabinet du président de la République,
M. Bisengimana Rwema. Ce tutsi était perçu comme l’étranger exploiteur, dont
les concurrents à l’intérieur du système mobutiste non seulement jalousaient la
réussite, mais mettaient en lumière la présence incongrue au cœur du pouvoir
congolais, avec l’argument sournois de nationalité douteuse. Cet argument
allait devenir de plus en plus une arme contre tous les Tutsi au Congo, autant
ceux qui étaient dans les leviers du pouvoir politique que ceux qui avaient des
assises fortes dans les affaires ou dans la propriété foncière. Une congolité
anti-tutsi a pu ainsi prendre corps et on a vu à la Conférence nationale
souveraine un haut dignitaire de la hiérarchie catholique, Mgr Kanyamachumbi,
se faire éjecter de cette instance pour nationalité douteuse, nonobstant le
fait qu’il avait la nationalité congolaise, qu’il avait servi toute sa vie
l’Eglise du Congo et qu’il avait consacré son sacerdoce et son épiscopat au
service du peuple congolais. On avait vu
aussi, bien avant, certains Congolais qui travaillaient au Rwanda au temps de
Habyarimana prendre part à l’idéologie ethniciste du régime politique en place
et partager sans peine sa vision désastreuse qui allait conduire au génocide
des Tutsi. Sous cet angle, l’accueil des Hutu au Congo après le génocide n’a
pas eu du tout le potentiel de haine que celui que le réflexe anti-tutsi avait
déjà semé dans l’imaginaire congolais. Le récit occulte ce potentiel primordial
de haine en présentant le Rwanda sécuritaire de l’intérieur sous la figure du
diable exploiteur, en oubliant que c’est grâce à ce diable que le régime de
Mobutu est tombé et que Laurent Désiré Kabila a pu prendre le pouvoir. Le récit
oublie aussi de dire que les miliciens hutu eurent de soutien de la part des
Congolais et que le gouvernement de Kinshasa, juste après le renvoi des soldats
rwandais chez eux par Laurent Désiré Kabila, instrumentalisa les milices hutu
au Congo pour une déstabilisation du Rwanda à partir du sol congolais. Ces
manœuvres de déstabilisation ont montré à quel point le Congo ne fut pas une
simple victime pitoyable que le récit présente, mais un acteur dans un système
global de violence que l’espace Rwanda-Congo était devenu.
Il peut même être intéressant ici de
voir que la diabolisation actuelle du Rwanda comme bloc monolithique dans le
récit congolais date exactement, non pas de la première guerre menée par l’AFDL
comme mouvement dit de libération, mais de la deuxième guerre lancée par le
Rwanda sous la bannière du RCD pour répondre au choix de Laurent Désiré Kabila
de se séparer de ses parrains du temps de l’AFDL. L’imaginaire anti-tutsi fut alors attisé le plus
officiellement du monde pour condamner l’agression du Congo. Le Rwanda, celui
des Tutsi, devint ainsi l’agresseur, le pilleur, le balkanisateur et le
destructeur dans le discours comme dans le champ politique congolais. Dans le
chaos des crimes, des carnages, des viols et des violences indescriptibles que la guerre, dans ses folies, déploya au
sein d’un Congo devenu enfer, la construction du récit congolais sur sa
situation s’acharna sur les Rwandais de l’intérieur du Rwanda et prit alors
tous les Rwandais du Congo pour le cheval de Troie du régime de Kigali. Les
ressorts guerriers de la haine meurtrière se tendirent et l’imaginaire
congolais devint un imaginaire meurtrier, qui ne peut pas reculer devant un
génocide au Rwanda même, si l’occasion lui en était donnée. On peut considérer
actuellement que la fixation du discours congolais contre le Rwanda comme
ennemi implacable et cause de tous les malheurs du Congo est une manière de
cacher la volonté congolaise de détruire ce pays voisin sur la tête duquel on
met tous les péchés, tous les vices et toutes les turpitudes du monde, selon
une logique de victimisation et de bouc-émissaire que l’anthropologie contemporaine
a bien analysée. Selon cette logique, le Rwanda doit mourir pour que le Congo
soit uni et construire sa paix et sa prospérité.
Selon le récit congolais chauffé au
brasier de l’anéantissement de l’ennemi, le pouvoir rwandais de l’intérieur, dans
sa logique du tout-sécuritaire, découvrit que sa force militaire ne pouvait pas
seulement servir contre les forces négatives constituées par les compatriotes
rwandais génocidaires, mais aussi contre le Congo et pour la conquête du Congo,
un immense pays aux richesses infinies, dont les terres et le sous-sol
pouvaient servir au règlement du problème démographique au Rwanda et donner au
nouveau pouvoir rwandais des réserves gigantesques d’enrichissement.
Ici finit le premier épisode de ce récit
congolais pour justifier la guerre comme seule moyen de se libérer de
l’étreinte de deux Rwanda : celui, envahisseur, constitué par le pouvoir rwandais actuel et
celui, au cœur même du Congo, constitué par les Tutsi à nationalité douteuse au
Congo et les anciens génocidaires militairement organisés sur le sol du Kivu.
Vous avez compris : nous sommes au
cœur d’un discours d’un Congo qui se trouve entre le marteau tutsi et l’enclume
hutu. Pitoyable victime qui cherche à se défendre sans y parvenir, ignorant que
dans les logiques complexes des guerres humaines, ceux qui se croient victimes
développent en eux tous les ingrédients pour devenir bourreaux, s’ils restent
enchaînés au cycle terrible de la haine et de la vengeance.
Abordons maintenant le deuxième
épisode du récit congolais: l’épisode des accords mythiques de Lemera et
de la prise militaire de Kinshasa par l’AFDL, sous l’égide de l’armée
rwandaise.
Je n’ai jamais vu le texte des accords
de Lemera mais le récit congolais leur donne une inquiétante substance, qui
nous fait passer de la gestion guerrière de la situation du Kivu à la gestion
politique. Le récit couramment colporté au Congo stipule que la chute du régime
de Mobutu a été obtenue grâce à la promesse de céder au Rwanda une part du
territoire congolais. Promesse qui n’aurait pas été tenue par le président
Laurent-Désiré Kabila, dans une monumentale trahison qui a valu à la nation
congolaise non seulement une guerre d’agression et de pillage dont le Rwanda a
été l’auteur, mais une situation de déstabilisation constante avec des groupes
politico-militaires successifs dont les noms sont maintenant connus de toutes
les Congolaises et de tous les Congolais : RCD, CNDP et M23. Pour
l’opinion congolaise, la situation de guerre permanente dont souffre le pays
est due au projet de balkanisation au profit du Rwanda. Un projet dont on ne
peut comprendre les tenants et les aboutissants qu’en voyant dans le Rwanda un
exécutant d’un ordre qui vient de plus haut et de plus loin, dans un complot
international piloté par ceux que les Congolais ne désignent que sous le non
générique d’Anglo-saxons, une galaxie d’intérêts militaro-industriels et
économico-financiers qui veulent dépecer la RDC pour mieux l’exploiter. Tout le
chaos des guerres qui ravagent l’Est du pays, avec la multitude des milices est
une entreprise planifiée. Le récit congolais va jusqu’à accuser le pouvoir en
place à Kinshasa d’être complice de ce plan, ce qui explique l’impossibilité
d’une gestion politique claire de la guerre dans le Kivu.
A ce niveau spécifiquement politique, on
constate curieusement qu’au lieu que la guerre soit une guerre imposée au Congo
par le Rwanda ou une guerre des milices aux motifs tribalo-ethniques, elle est,
dans un certain imaginaire populaire, une guerre de la sphère politico-militaire
rwando-congolaise contre le peuple congolais. Le récit est, à ce niveau aussi,
celui d’une victimisation de soi dans laquelle les populations congolaises
s’enfoncent pour justifier leur propre processus des violences meurtrières
exercées par des milices qui prétendent agir en leur nom : Maï-Maï, Raia
Mutomboki et beaucoup d’autres non clairement identifiées comme telles. Selon
cette logique, les gesticulations des hauts responsables politiques congolais
et rwandais ne laissent personne dupe : elles sont au service de la
balkanisation du Congo. L’épisode, bien médatisé, du DVD montrant les
militaires rwandais dire glorieusement au revoir aux FARDC sous l’œil d’une
inspectrice militaire américaine, au moment même où Kinshasa criait à
l’agression du pays par le Rwanda, a fait réfléchir plus d’une personne.
L’accusation de haute trahison du président de la République par certains
parlementaires et le télégramme aujourd’hui diffusé sur l’internet pour montrer
jusqu’à quel point le Chef d’Etat congolais joue la carte du Rwanda sont là
pour indiquer les limites de l’approche politique pour une solution durable
entre les autorités rwandaises et les autorités congolaises. Et si la guerre du
Kivu était justement leur carte maîtresse de manipulation politicienne dans un
projet dont ils connaissent bel et bien les tenants et les aboutissants, au
grand dam du peuple congolais dont on aurait pu dire qu’il est le dindon de la
farce, n’eût été la tragédie humaine des carnages dont les conséquences sont
loin d’être une farce ! Le comble dans cette tragédie, c’est qu’elle se
déroule dans une certaine conception de la politique d’où le peuple est exclu.
Une conception d’où est absente également l’idée du bien commun et des intérêts
des populations, clef de voûte de toute politique d’humanité et de
civilisation.
Au Congo, cette absence est manifeste,
même si le peuple congolais ne se rend pas compte que le récit qu’il colporte
est une construction idéologique utilisée par le pouvoir en place pour masquer
ses pathologies et ses incompétences. Il est intéressant en effet de poser un regard lucide sur les moments où
cette portion du récit sur les accords de Lemera jaillit dans la vie politique
au Congo sous le vocable de balkanisation. On l’a vu flamboyer lorsque Laurent Désiré Kabila voulut se
débarrasser de la tutelle de ses parrains rwandais. Elle a resplendi quand le
Rwanda fit l’option de s’attaquer aux FDLR dans l’est de la RDC. Elle a été un
tonitruant leitmotiv après les élections présidentielles de 2011, quand il s’avéra
que le vainqueur réel, aux yeux du peuple, n’était pas celui qui fut proclamé. Devant la
colère d’un peuple auquel le pouvoir en place avait ainsi volé la victoire, ce
pouvoir sortit sa chanson fétiche de la balkanisation et de l’agression rwandaise.
Tout le monde tomba dans le panneau : l’Eglise, la communauté
intellectuelle, l’opposition politique et les forces populaires. La
prestidigitation et la mystification furent telles qu’elles enfermèrent l’homme
congolais dans la caverne d’une psychologie de la haine et de la victimisation
facile.
Sur cette lancée prestidigitatrice et
mystificatrice, les populations congolaises ne virent pas qu’elles devenaient
aveugles face à leurs vrais problèmes et que cela arrangeait le pouvoir en
place.
Je suis même tenté de dire que la
diabolisation du Rwanda nous lavait de la honte que nous devrions éprouver dans
le miroir que le vrai Rwanda nous renvoie de nous-mêmes comme peuple face aux
réussites de ce petit pays voisin :
-
l’image d’un Congo sans leadership de qualité
alors que le petit pays voisin donne l’impression d’avoir un vrai leadership
d’ordre, de discipline et d’organisation ;
-
l’image d’une classe politique engluée dans la
corruption et l’impunité alors que le petit pays voisin développe une politique
réussie en matière de lutte contre la corruption et l’impunité ;
-
l’image d’une nation sans vision d’ensemble des
solutions à donner à ses défis fondamentaux au moment où le petit pays voisin
impressionne par sa politique en matière d’infrastructures, de santé,
d’éducation, de logement et de restructuration de l’imaginaire national.
Quand j’ai entendu le président rwandais
parler de son pays en affirmant : « nous sommes un petit pays, mais
un grand peuple », j’ai compris qu’il avait en tête un nation voisine, un
grand pays, mais un petit peuple. Il posait clairement le problème du Congo
dans les termes qu’il convient aux Congolais eux-mêmes de s’approprier pour
s’engager la révolution qu’ils doivent faire en eux-mêmes. La révolution de la
grandeur d’un peuple qui se dote de l’esprit, du dynamisme et des moyens pour
résoudre ses vrais problèmes, au lieu de noyer sa honte dans la haine du
voisin.
Lorsque, sur la même lancée, le chef de
l’Etat rwandais parle du Congo comme d’un cadavre qu’on est venu déposer devant
sa porte afin de l’accuser d’être l’assassin, je suis frappé non pas par son
système de défense, mais par la métaphore du cadavre et je cherche à savoir qui
a tué le Congo. S’agit-il d’un crime dont Paul Kagame connaît les auteurs sans
les nommer ou s’agit-il d’un pays qui s’est suicidé par ses propres
incompétences et ses propres étourderies ? Nous sommes là au cœur de
vraies questions que la haine du Rwanda dans les cœurs des Congolais occulte.
Pourtant, à certains moments de
lucidité, l’homme congolais sent qu’il n’est pas totalement victime. Cela se
passe quand il accuse les dirigeant de son propre pays d’être complices des
destructeurs du Congo, même s’il ne voit pas que cette hypothèse de complicité
devrait conduire à casser le monolithisme interprétatif qui a fait du Rwanda la
source de tous les malheurs du Congo. S’il y a complicité des pouvoirs en place
à Kinshasa dans la situation de guerre vécue par le Kivu, s’il existe des
vérités cachées entre le pouvoir rwandais et le pouvoir congolais à partir
desquelles, selon un certain discours congolais, on doit douter de ce que le
gouvernement congolais affirme, il devrait s’en suivre une analyse conduisant à
une dé-victimisation nécessaire et à la prise de responsabilité des Congolais
pour un dialogue interne de vérité et de lucidité.
Or, ce processus n’a pas pu s’enclencher de
manière radicale, malgré des voix qui, ça et là, exigent que le Congo sorte de
son aveuglement sur lui-même. La raison pour laquelle un tel processus ne prend
pas, c’est le fait que l’orientation du discours congolais est trop marquée par
l’affect de destruction du Rwanda, ou plus exactement des Tutsi au pouvoir au
Rwanda, pour ouvrir les yeux sur les responsabilités congolaises dans le
désastre du Congo et comprendre que le problème du Congo n’est pas Kigali mais
Kinshasa.
C’est du fond de ce refus de voir toute
la vérité en face que jaillit alors la troisième partie du récit congolais, la
partie qui remet en cause la diplomatie mondiale et la capacité des
institutions internationale à agir
en RDC. La force emblématique de cette
diplomatie, la Monusco, est perçue de manière négative, globalement parlant.
Force inutilement coûteuse et militairement inefficace pour les uns, mission
sans objectif convaincant et Club Méditerrané des militaires pour les
autres, elle sommeille, comme dirait
François Soudan de l’Hebdomadaire Jeune
Afrique, dans une présence perçue comme de plus en plus inutile pour les
populations locales. Quant aux rencontres diplomatiques qui se déroulent à
Kampala, à Addis-Abeba ou à New-York, le discours populaire les considère avec
un sourire sceptique, dans la conviction que l’essentiel ne peut pas se jouer
là-bas. Le récit se termine par ce constat tragi-comique.
On voit alors ici l’imaginaire de
l’homme congolais s’enfermer dans son système d’interprétation partielle et
partiale de sa propre situation. Il est alors l’imaginaire d’un homme dont
l’état d’esprit est impuissance pratique pendant que la bouche crache des
volcans de paroles contre un ennemi qu’on ne peut pas vaincre. Il faut alors
rêver constamment de guerre victorieuse contre cet ennemi, ameuter le monde
entier contre lui, rappeler à tout moment ses crimes passés et présents tout en annonçant ses cruautés
futures, attirer les foudres du monde entier contre lui et montrer à tout
moment que c’est dans l’être même de ce monstre que réside le mal que l’ont
doit éradiquer. C’est un discours de génocide psychique qui s’est emparé de la
RDC et auquel personne ne fait sérieusement attention mais qui fragilise le
Congo lui-même dans ses capacités créatrices et organisatrices, dans la
perspective d’une paix vraiment durable avec le Rwanda.
L’ambition
de la parole rwandaise
Et côté Rwanda ? « Ne cherche pas à savoir s’il y a un
discours public rwandais sur la guerre du Congo, m’a dit un intellectuel
congolais dans un débat à Kinshasa ; ce
pays-là est une caserne et tout le monde y murmure seulement ce que le pouvoir
murmure lui-même pour séduire le monde ou vocifère pour faire peur aux
Congolais. » J’ai voulu lutter contre ce cliché significatif et j’ai posé
souvent à mes connaissances rwandophones du Congo et à mes proches amis
rwandais la question de savoir comment les Congolais rwandophones et
l’intelligentsia militaro-politique du
Rwanda interprètent la crise du Kivu et l’implication rwandaise dans cette
guerre. Je n’ai pas obtenu un récit unique partout répété.
J’ai eu avant tout un certain regard de
pitié et une réflexion de tristesse désolée : « Il n y a rien à faire dans un pays comme le Congo, sans Etat,
sans infrastructures, sans grand leader ni gouvernance digne d’un pays
moderne ? » L’officier rwandais qui parle ainsi se défend de
porter un quelconque jugement de valeurs. Il porte un regard froid sur une
situation et regrette seulement que cette situation soit ainsi pour un pays qui
a tout pour réussir.
A cet acte de pitié lourde s’ajoute
parfois une interrogation déprimante. Cette interrogation, un penseur rwandais
l’a ainsi formulée devant un parterre des parlementaires de son pays
engagés sur la voie de la recherche de la paix dans les pays des Grands Lacs : « Et si le Congo refusait la
libération ? » a-t-il demandé.
« Nous avons fait tout ce que nous
pouvons comme Rwandais pour renverser Mobutu et donner à la société congolaise
l’occasion de construire sa liberté. La liberté n’est pas là. A sa place ce
sont des guerres sans fin. »
Quand j’ai osé poser la question de la
place du Rwanda dans ces guerres, j’ai eu des justifications qui sonnaient
comme des injonctions pour une action qui va dans le sens de l’histoire. « Il faut que les tribus congolaises du
Kivu reconnaissent l’espace vital des Rwandophones au cœur du Congo comme une
réalité historique, avec des Hutu et des Tutsi qui sont bel et bien congolais,
sans contestation possible que cache le terme de nationalité douteuse. » La
phrase m’a frappé par sa fermeté et sa suite m’a sonné par son acuité : « Nous sommes congolais et nous
défendrons notre congolité envers et contre tout ». Logique guerrière
donc, et assumée comme telle. Je n’ai jamais oublié cette réponse, elle est à
interpréter sans doute, côté congolais, comme le masque de la volonté rwandaise
de se servir des ressortissants hutu et tutsi du Congo comme prétexte pour une
guerre de conquête, d’agression et de pillage systématique.
Je n’ai pas non plus oublié cette autre
réponse : « l’horizon congolais
est vital pour les Rwandais, à court, à moyen comme à long terme,
démographiquement parlant. La loi des migrations pour des raisons de vie et de
survie est une constante historique des mouvements des peuples. Si on ne veut
pas une solution pacifique devant cette loi, la guerre l’imposera tout de même.
Les Congolais devraient comprendre cela un jour ou l’autre, de gré ou de
force. » C’était vif et net, clairement et distinctement dit par une
intellectuelle outrée d’entendre dire partout au Congo que les Rwandais sont
maîtres dans l’art de la dissimulation, du mensonge et du double langage.
Revendication
identitaire et nécessité vitale, j’avais là les deux
lames de fond qui me semblaient pouvoir justifier une certaine vision de la
présence rwandaise dans la guerre du Kivu. Avec ses logiques guerrières, ses
élans dévastateurs, ses volontés de puissance pour un Rwanda nouveau, celui qui
se construit sur les charniers du génocide de 1994 et qui a décidé de remonter
du fond de son gouffre pour devenir une nation digne et respectable,
contrairement au Congo qui est, lui, sur la pente de sa descente aux enfers
depuis Mobutu jusqu’à aujourd’hui, par manque de force de grandeur, par
accoutumance aux médiocrités de toutes sortes et par habitude du malheur et de
l’autodestruction.
Lorsque j’ai discuté avec un autre
intellectuel rwandais sur la dimension guerrière du discours que j’ai entendu
sur l’avenir des relations entre le Rwanda et le Congo, il m’a dit : « Il y a trois dimensions du problème.
Une dimension interne au Rwanda, elle concerne la construction d’une politique
de sécurité et de développement. Il y a une dimension interne au Congo que
vous-même, professeur Kä Mana, vous désignez par le terme d’imbécillité
congolaise, le refus de construire une vraie politique de sécurité et de
développement au service de la population. Et il y a la dimension de l’intrusion
des forces extérieures au Rwanda et au Congo, pour des raisons géostratégiques
ou pour des logiques mafieuses. La guerre est attisée et justifiée par ces
trois dimensions et chaque partie cherche à y tirer ses marrons du feu, sauf le
Congo, sans doute, perdue dans les irrationalités, les étourderies, les miasmes
et les folies de son imbécillités. Je reprends vos mots, professeur Kä Mana ».
Dans le contexte d’un tel discours qui
oppose manifestement deux imaginaires politiques et sociaux, celui du Rwanda,
ambitieux, froid et réaliste d’une part, et d’autre part, celui du Congo,
incohérent, désordonné, sans boussole ni ambition au sein d’un contexte mondial
compétitif et sans pitié, on ne peut pas croire le pouvoir rwandais quand il
parle comme s’il n’avait aucun intérêt au Congo aujourd’hui. Comme si la guerre
du Congo n’avait d’enjeu que congolo-congolais, sans que l’avenir rwandais ne soit
du tout concerné non seulement pour des motifs sécuritaires à court terme, mais
pour les enjeux vitaux du futur, dont une guerre victorieuse au Congo
garantirait une certaine tranquillité intérieure et un développement
véritablement durable construit par un peuple qui veut être grand, prospère et
dominateur. Un peuple dont les dirigeants ambitionnent de se donner tous les
moyens utiles et indispensables à cet effet : les moyens militaires, les
moyens politiques, les moyens économiques et les moyens diplomatiques, dans un
pragmatisme et un réalisme politiciens toujours pas conformes aux valeurs et
aux exigences d’humanité profonde.
Dans
les logiques de profondeur
Tout ce que je viens d’évoquer comme
récit au Congo et comme logique d’action au Rwanda, tout le monde le sait, tout
le monde peut aujourd’hui le constater sans effort, si l’on ouvre les oreilles
et le cœur au drame du Kivu.
Et pourtant, tout le monde cherche les
causes profondes de la guerre, comme si tout ce j’ai présenté jusqu’ici n’était
que des causes de surface. J’ai mis beaucoup de temps à interpréter cette quête
des causes profondes en vue des solutions profondes. J’ai longtemps pensé que
l’on parlait des causes profondes pour fuir des évidences et pour ne pas parler
concrètement de ce qu’il fallait faire d’urgence ici et maintenant. J’étais
dans cet état jusqu’au jour où, devant un journaliste congolais zélé qui me
racontait pour la millième fois le récit congolais tel que je l’ai reconstruit
dans cette réflexion, je me suis entendu moi-même articuler cette étrange
question :
-
Pourquoi
me racontez-vous tout que vous me racontez là ?
-
Pour
que vous compreniez ce qui se passe vraiment dans le Kivu.
Mes yeux s’ouvrirent et mon esprit
saisit tout d’un coup le problème de fond qui échappe à l’attention et que
la logique de type philosophique peut aider à clarifier : la recherche des
rationalités propres à un discours dans une situation d’échanges entre les
personnes. Il s’agit, en fait, de chercher à comprendre le récit que l’on fait
de soi à travers une grille scientifique qui en dévoile quatre dimensions
essentielles mises en lumière par les sciences de la communication[1].
Voyons ces quatre dimensions telles
qu’elles opèrent dans l’imaginaire congolais.
La première dimension est la dimension narrative. Le philosophe
congolais Jean-Baptiste Malenge Kalunzu, qui est expert en sciences de la
communication, la définit comme la
dynamique par laquelle on construit sa vie comme une totalité dans le devenir,
en mettant l’accent sur la raison profonde qui fait vivre et qui fait agir. Si,
dans sa relation avec le Rwanda, le Congo se raconte comme il se raconte, le
récit n’est pas un neutre exposé des souffrances et des malheurs, mais une
volonté manifeste de faire de la guerre une nécessité vitale et de la justifier
par les tragédies et les carnages qu’elle a causés. Il ne vise pas à sortir de la guerre, mais à l’attiser par une
activation permanente de sa nécessité. En s’accoutumant à ce récit, l’homme
congolais se conforme et s’offre à la logique de la guerre, comme si toute
perspective de la paix lui était impossible.
La deuxième dimension est la dimension argumentative du récit.
Elle consiste, toujours selon Malenge Kalunzu, à convaincre l’interlocuteur de
la solidité, de la pertinence et de la fécondité de ce que l’on affirme. Pour
cela, le recours aux images chocs et aux forces émotionnelles de fond est de
rigueur. On doit décrire tout ce qui
suscite la colère, la pitié et la justification de la vengeance. La guerre
devient alors quelque chose d’indispensable : elle cesse d’être un acte de
sauvagerie et de barbarie pour devenir un
état d’esprit justifié et justifiable, comme si tous les carnages et tous
les naufrages de l’humain qu’elle entraîne devenaient tout d’un coup compréhensibles ; comme s’ils ne
sont, en fait, que des actes de vengeance masqués sous le vocabulaire d’une
volonté de libération. Quand le récit congolais sur les crimes du Rwanda au
Congo, armée rwandaise et FDLR compris, se sert de ces crimes comme socle pour
une guerre de libération du pays, il ne se rend pas compte que la guerre c’est
la guerre et qu’il ne suffit pas de la justifier pour qu’elle devienne un acte
de paix. Surtout quand d’autres possibilités de paix existent et qu’on ne les
met même pas dans la trame même du discours sur l’avenir.
C’est ici que, selon Malenge Kalunzu, la
troisième dimension de tout récit en situation d’échange entre personne devient
capitale : la dimension
constructrice. Dans le cas du récit congolais, nous sommes dans une
situation où on ne se rend même pas compte que le récit construit un type
d’être, une force de personnalité. Qu’il est un formatage guerrier des esprits, des consciences et des cœurs.
Qu’il est une arme de guerre au service d’un projet de guerre excluant tout
dialogue de paix pour la paix et toute possibilité de construction d’un ordre
social de paix.
Quand on comprend cela, on peut
atteindre la quatrième dimension à laquelle Malenge Kalunzu nous convie : la dimension interprétative, celle grâce
à laquelle on voit bien ce que visent les trois premières dimensions. Selon cette dernière dimension, on voit que le discours est producteur d’une mentalité
susceptible de devenir vite une pratique, que cette pratique entretient
elle-même le discours dans une inter-fécondation mutuelle devenue un cercle
vicieux : le cercle même des paliers les plus profonds de l’être. Cette
guerre est ainsi dans l’esprit des hommes qu’elle produit et qui la produisent.
Et qu’en est-il, en ce qui concerne en
profondeur l’imaginaire rwandais ?
A l’analyse du récit congolais tel que
je m’y livre ici correspond une analyse des convictions profondes que j’ai
entendues du côté du Rwanda. Comme il ne s’agit pas d’un récit, mais plutôt
d’affirmations péremptoires qui jouent comme des hypothèses de travail et des
pétitions de principes pour l’action, je ne vais pas leur appliquer la logique
des sciences de la communication. Les réponses des intellectuels rwandais sur
la guerre du Kivu renvoient plus à un besoin d’action, à la dynamique d’une
action concrète qu’à celle d’un discours justificatif ou évaluatif. Pour en
comprendre le sens, je vais me fonder sur un autre type d’analyse, inspirée de
la rationalité sociologique développée par le grand sociologue allemand Max Weber sur les types d’action.
Max Weber distingue quatre types
d’action liés chacun à une rationalité spécifique : l’action rationnelle
par rapport à un but, l’action rationnelle par rapport à une valeur, l’action
affective ou émotionnelle et l’action traditionnelle.
L’action rationnelle par rapport à un
but est « définie par le fait que
l’acteur conçoit clairement le but et combine les moyens en vue d’atteindre
celui-ci ». C’est « celle de l’ingénieur qui construit un
pont, du spéculateur qui s’efforce de gagner de l’argent, du général qui veut
remporter la victoire. » Pour le Rwanda, la guerre au Kivu a dès le
départ obéi à ce type d’action rationnelle. Les buts étaient clairs autant que
les moyens étaient conséquents. Une organisation militaire dans un pays
militairement ordonné visait une sécurisation intérieure par la maîtrise des
frontières après le génocide. Mais cette machine de la rationalité militaire
s’est emballée depuis la chute de Kinshasa, les conflits avec Laurent Désiré
Kabila, le soutien de celui-ci aux FDLR, les aléas politico-militaires du RCD,
du CNDP et aujourd’hui du M23. On est entré dans les exigences de revoir les
stratégies à chaque instant, de redéfinir les objectifs et de ne plus savoir
manier la machine militaire de manière conforme à des buts partout acceptables
dans le monde. Au Congo aujourd’hui, ce n’est plus le Rwanda qui mène la
guerre, c’est la guerre qui mène le Rwanda. Nous assistons à un phénomène de
brouillage stratégique qui échappe aux acteurs.
Sur l’action rationnelle par rapport à
une valeur, voici ce qu’écrit Max Weber :
« Elle
est celle du socialiste allemand Lassalle se faisant tuer dans un duel, ou
celle du capitaine qui se laisse couler avec son vaisseau. L’action est
rationnelle non parce qu’elle tend à atteindre un but défini et extérieur, mais
parce ce que ne pas relever le défi ou abandonner un navire qui sombre serait
considéré comme déshonorant. L’acteur agit rationnellement en acceptant tous
les risques, non pour obtenir un résultat extrinsèque, mais pour rester fidèle
à l’idée qu’il se fait de l’honneur. »
Dans la guerre du Kivu, il y a eu à
plusieurs reprises une question d’honneur pour le Rwanda, liée à la haute idée
que les nouvelles autorités politiques se faisaient de leur puissance, de leur
dignité, de leurs ambitions et de leur volonté d’entrer dans l’histoire. La
question des FDLR et de leur neutralisation était une question d’honneur ;
l’exigence de laver l’humiliation des troupes rwandaises chassées du Congo
était une question d’honneur ; la garantie de sécurité pour les Tutsi
congolais menacés de « solution finale » dans leur propre pays était
une question d’honneur. Quand on a conscience de se battre pour l’honneur, la
guerre est un instrument qui vous possède plus que vous ne la posséder. Et
quand on a, comme le Rwanda, les moyens et la force militaire de la faire, on
n’y va sans trop se poser de questions, même si on se rend compte que la cause
rwandaise de l’honneur n’est plus acceptée dans l’ordre mondial actuellement.
On cherche alors à agir par d’autres moyens : la politique et le lobbying
diplomatique, par exemple : avec l’investissement militaire du pays dans
les troupes des Nations unies dans les zones de conflits ou le succès d’entrer
au Conseil de Sécurité comme membre non permanent.
On le fait alors dans la logique de
l’action émotionnelle, « celle qui
est dictée immédiatement par l’état de conscience ou par l’humeur du
sujet. » Quand le Rwanda répond aux accusations de soutenir le M23 en
exhibant ses militaires à côté des FARDC dans une ambiance bon enfant, il fait
la guerre émotionnelle. Quand le président Kagame claque la porte des
négociations de New-York pour répondre aux maladresses du Secrétaire général
Ban Ki-Moon, il fait la guerre émotionnelle. Une guerre liée à tous les
souvenirs douloureux et inacceptables des soldats de l’ONU qui ont assisté sans
réagir au génocide, qui ont vu des femmes, des hommes, des vieillards et des
enfants tutsi exterminés sans rien faire
et qui veulent maintenant s’ériger en donneurs de leçon au Rwanda du haut des
bureaux lambrissés de New-York. C’est à des occasions émotionnelles pareilles
que l’on comprend que cette guerre du Kivu n’est pas une simple question
d’affrontements militaires et des déflagrations immédiates. C’est aussi une
question d’émotions fortes, d’affects profonds que l’on ne contrôle pas et que
l’on ne peut pas contrôler côté rwandais dans l’idée négative que l’on a des
autorités congolaises et du désordre congolais. Même quand les armes se taisent,
la guerre entre le pouvoir rwandais et le pouvoir congolais continue parce
qu’elle est déterminée par des conditionnements émotionnels liés à des préjugés
négatifs inflammables.
Ce sont ces préjugés négatifs qui nous
renvoient à ce que Max Weber appelle l’action traditionnelle, « celle qui est dictée par des
habitudes, des coutumes, des croyances devenues comme une deuxième
nature ». Les autorités rwandaises actuelles s’inscrivent dans une
tradition des victoires militaires qui est devenue pour elles une seconde
nature, depuis la guerre d’indépendance au Mozambique jusqu’à la prise de
Kinshasa, en passant par la guerre de l’Ouganda qui installa Museveni au
pouvoir. Selon cette tradition, tant que
l’actuelle guerre du Kivu ne débouche pas sur une victoire claire et nette sur
les FDLR, tant qu’elle ne se conclut pas sur la sécurité absolue des Tutsi
congolais et de toute la communauté rwandophone de la RDC et sur des relations
rwando-congolaises conformes aux attentes et aux ambitions du Rwanda, elle
continuera, sous une forme ou sous une autre. On voit que dans cette logique
aussi, nous sommes dans une guerre qui fait les hommes au lieu d’être faite par
les hommes.
La
corruption de l’être par la guerre
Nous atteignons maintenant le fond du
problème. L’analyse du récit congolais et des logiques de l’action au Rwanda
nous conduit à comprendre que derrière les enjeux politiques, économiques,
sécuritaires et géostratégiques visibles à l’œil nu aujourd’hui, le problème de
fond est celui de la corruption de l’être par la guerre dans l’imaginaire
rwandais comme dans l’imaginaire congolais. J’entends par corruption de l’être
une maladie dont les symptômes dévastateurs sont les suivants :
-
la pollution du regard : l’incapacité de
voir l’autre comme une personne tout simplement, un être dont le visage, comme
dirait Emmanuel Levinas, me convoque à la responsabilité de la réussite de
notre rencontre ;
-
la pollution du langage que l’on tient sur
l’autre, à travers les mots, les expressions et les modulations
linguistiques ravageurs et meurtriers,
où l’autre est soit diabolisé, soit méprisé, soit détesté dans ce qu’il est et
pour ce qu’il est :
-
La pollution de la pensée, c’est-à-dire
l’impossibilité de réfléchir avec des véritables catégories d’humanité comme
des déterminants fondamentaux d’une relation basée sur les valeurs d’humanité.
-
La pollution des utopies, notamment la capacité
de l’imagination créatrice à rompre avec l’ordre du négatif pour projeter un
avenir du bonheur partagé aux échelles économiques, financières, politiques,
sociales et culturelles.
Si l’on est profondément attentif au
regard, au langage, à la pensée et aux utopies qui portent les relations entre
le Rwanda et le Congo, on n’aura pas de difficultés à déceler les symptômes
dont je parle. Dans une récente étude de Pole Institute sur la manière dont les
Rwandais et les Congolais se voient et se considèrent les uns les autres, tout
ce que l’on pouvait classer dans la catégorie du bien relevait du niveau de
surface, c’est-à-dire des qualités qui n’engagent vraiment pas l’être profond,
du type sape et musique chez les Congolais, ordre et discipline chez les
Rwandais. Mais dès qu’on abordait les paliers des valeurs profondes de l’être,
on pénétrait dans l’enfer de la dépréciation implacable, du type : culture
du mensonge et de la dissimulation pour décrire les Rwandais ; culture de
l’imbécillité (peuple sans cerveau) et de l’immoralité (peuple sans normes)
pour décrire les Congolais. On devine bien, avec de telles amabilités injurieuses,
que les utopies que l’on promeut ne peuvent être ni celles de l’être-ensemble dans la prospérité,
ni celle du vivre-ensemble dans la paix,
ni celle du rêver-ensemble un avenir d’inter-fécondation enrichissante.
Quand je dis qu’il s’agit là d’une
maladie de l’être dans l’imaginaire des deux peuples aujourd’hui, je veux
insister sur le fait que ce cancer se métastase aux trois niveaux essentiels de
la vie d’un peuple : le niveau de l’inconscient ou du subconscient
collectif, le niveau du moi ou de la personnalité communautaire et au niveau du
surmoi ou des institutions politico-sociales qui régulent l’ensemble de la
société. Je précise : ce dont je parle constitue des conditionnements dont
on ne peut pas ne pas se rendre compte, mais cela se dévoile fortement dès
qu’on se met à analyser les attitudes, les pratiques et les discours dans les
deux pays, surtout en cette période de la guerre du Kivu comme dynamique
révélatrice.
Quand on parle des causes profondes de
la guerre aujourd’hui, c’est du côté de cet être qu’il faut se tourner, pour
imaginer des solutions de profondeur, celles qui ne s’accrochent pas aux causes
passées, mais plutôt à leurs réalités actuelles qui sont celles d’une maladie
de l’être. Il suffit de regarder l’image que les médias congolais ont donnée de
leur pays à tous les participants au XIVe Sommet de la Francophonie et à tous
les pays du monde par le canal de la télévision pour voir à quel point
l’inconscient collectif, le moi communautaire et le surmoi institutionnel du
Congo n’ont que le Rwanda et sa diabolisation comme préoccupation fondamentale,
comme si le Congo n’avait pas de richesses hautement magnifiques à montrer au
monde aujourd’hui. De même, il faut regarder l’orientation actuelle de la
diplomatie rwandaise dans le monde pour constater à quelle point le Congo y est
comme une obsession négative. Ce sont là les effets d’une guerre qui est le
principal conditionnement de l’imaginaire : une pathologie de l’être.
Les
forces de la paix : une autre destinée est possible
Si j’ai conduit mon analyse jusqu’à ce
niveau de l’être profond, c’est parce que je suis convaincu que les solutions à
proposer appartiennent aux forces qui
sont chargées, dans les deux pays, des domaines les plus essentiels dans la vie
profonde d’un peuple : l’éducation, la science et la culture.
Ce sont les domaines par excellence du
monde du savoir et de la connaissance (les universités, notamment), des forces
religieuses (les Eglises selon toutes leurs orientations confessionnelles) et
des dynamiques de l’action culturelle (la littérature, le théâtre et la musique
(par exemple). Je ne minimise ici ni les enjeux politiques ni les tenants et
les aboutissants économiques. J’affirme seulement leur secondarité dans le
contexte d’une guerre qui est devenue une machine infernale auto-productrice et
une maladie profonde de l’être, comme
c’est le cas au Kivu aujourd’hui. Avec le poids des arrière-pensées sur
lesquelles personne ne songe aujourd’hui à travailler pour détruire leur venin
ici et maintenant, dans la perspective de permettre l’émergence d’un nouveau
subconscient socioculturel fécondé par un arrière-fond d’idées et d’images
positives, à court, à moyen et à long terme.
Dans un tel contexte, la science,
l’éducation et la culture sont le plus susceptible d’affronter les enjeux les
plus fondamentaux de la paix entre le Rwanda et la RDC. A Savoir :
-
La conversion du regard et du langage sur
l’autre d’abord. A travers un travail de fond dans la connaissance des
richesses du voisin, surtout maintenant où les traitements inhumains commis par
les acteurs des deux côtés ont montré à quel point la barbarie nous est commune
et sa justification très facile pour se donner bonne conscience au Congo comme
au Rwanda. Ce n’est pas avec le regard de haine, le langage de déshumanisation
qu’on arrivera à rompre avec ses ressorts de la barbarie, mais avec une science
de la connaissance positive de nos richesses communes et une éducation à la
construction d’une paix durable pour que ces richesses deviennent source du
bonheur partagé, sans qu’un tel horizon se délite en vœux pieux.
-
La conversion de la pensée et des utopies
ensuite. A travers des Facultés universitaires, des centres culturels, des
manifestations artistiques et des initiatives populaires fortement orchestrées,
il faut que l’on arrive à faire que ce ne soit plus la guerre qui mène les deux
pays dans leurs imaginaires mais les hautes idées de paix et de développement
commun durable.
-
A cette dimension de déconditionnement du
regard, du langage et des utopies dans le contexte actuel, il y a lieu
d’ajouter un reformatage global de l’imaginaire de deux pays, dans le sens de
la guérison de traumatismes, de blessures et de meurtrissures par un travail
sur nos mémoires pathologiquement atteintes et sur nos identités devenues meurtrières,
consciemment ou inconsciemment. Un regard nouveau est possible, dans ce sens.
Un langage nouveau aussi. Tout comme une pensée nouvelle et de nouvelles
utopies. Avec un nouvel impact sur nos inconscients ou nos subconscients
collectifs réciproques, nos « moi » communautaires et nos
« surmoi » institutionnels.
Ces dynamiques de guérison de l’être et
de reformatage de l’imaginaire, toutes les structures éducatives dans la Région des Grands et toutes les forces
éprises de paix ont le devoir d’en ouvrir les horizons et d’en produire les mécanismes, dans un labeur
d’organisation et d’invention qui est leur tâche la plus urgente.
Si ce labeur se fait, on pourra déceler
les vrais problèmes sur lesquels il faut aujourd’hui se concentrer pour les
résoudre selon des perspectives de solutions viables.
Ces problèmes et ces solutions, une
lettre adressée au Secrétaire général des Nations unies par un groupe de
chercheur, d’universitaires, d’artistes et d’experts de tous horizons les a
inventoriés avec succès[2].
A leurs yeux et dans une analyse visant les profondeurs du problème
rwando-congolais dans sa globalité aujourd’hui, la meilleure façon de
contribuer à la paix et à la sécurité dans la région des Grands Lacs
consisterait, entre autres :
- à décourager tout appui du Rwanda au
M23 afin de permettre aux communautés
congolaises d’initier des discussions de fond sur leurs problèmes
nationaux ;
-
à décourager toute association du Congo avec le FDLR et tout soutien du
gouvernement congolais aux groupes armés qui sévissent actuellement sur son territoire :
-
à s’attaquer à tous ces groupes armés et aux logiques qui en alimentent
l’esprit destructeur ;
-
à prendre au sérieux les légitimes revendications sécuritaires du Rwanda ;
-
à œuvrer sans relâche pour un rapprochement entre les gouvernements du Congo et
du Rwanda ;
-
à favoriser un échange franc et respectueux entre les forces intellectuelles,
éthiques et spirituelles rwandaises et congolaises pour qu’elles initient et
promeuvent un « vivre-ensemble » fertile entre les communautés ;
-
à initier des solutions qui intègrent les différents paramètres de la crise à
l’Est du Congo
-
à réexaminer les accords occultes entre le gouvernement congolais
et les compagnies minières opérant sur son sol,
-
à exiger une gestion saine des ressources du Congo par l’Etat congolais,
-
à diligenter une enquête sur le clientélisme et l’enrichissement illicite de la
classe dirigeante congolaise actuelle, afin d’impulser une dynamique de
gouvernance saine en RDC ;
-
à privilégier la voie du dialogue initiée par la conférence des Grands
Lacs et non les menées bellicistes qui risquent de provoquer une grande
guerre africaine aux conséquences incalculables ;
-
à protéger des communautés marginalisées prêtes à s’enrôler par désespoir dans
des rébellions sans lendemain ;
-
à défendre l’intangibilité des frontières congolaises, conformément aux vœux du
peuple congolais convaincu de la communauté de destin de toutes ses composantes
ethniques ;
-
à lier la notion d’intangibilité des frontières aux droits des communautés
propriétaires de leurs terres à vivre tranquillement et en toute sécurité dans
leur pays en tant que citoyens congolais
de plein droit ;
- à améliorer les méthodes
de recrutement des enquêteurs de l’ONU dont les rapports ont une si grande
influence sur le cours des évènements. Il est hautement souhaitable de veiller
à ce qu’ils ne soient engagés qu’à l’issue de procédures transparentes et
contradictoires, de nature à écarter tout risque ou soupçon de partialité de
leur part.
Si l’on s’inscrit dans une logique
éducative qui considère les problèmes de fond et cherche à les résoudre selon
les dimensions ainsi définies, une autre politique rwando-congolaise sera
possible, ainsi qu’une nouvelle vision des relations économiques entre la RDC
et le Rwanda, sans que le Congo ait peur d’être pillé et spolié ni les Rwandais
d’être en insécurité permanente face aux forces négatives, asphyxiés dans un
espace étroit et sans horizon de richesses et de développement à long terme.
Kä Mana
Président de Pole Institute
[1] C’est
dans le très lumineux livre de Jean-Baptiste Malenge Kalunzu, Philosophie africaine, Philosophie de la
communication (Kinshasa, Baobab, 2011) que j’ai découvert ces dimensions
mises en lumière par le philosophe français Jean-Marc Ferry. J’en ai fait une
grille actuelle de compréhension du discours congolais et de ses
significations.
[2] Cette
lettre a été écrite sous l’impulsion de
Boubacar Boris Diop, (romancier, enseignant à l’Université de Saint-Louis,
Sénégal), Kä Mana (philosophe, analyste politique et théologien, professeur à
l’Université évangélique du Cameroun et à l’Institut catholique de Goma, RDC),
Jean-Pierre Karegeye (professeur assistant au Macalester College, Minnesota,
USA), Kously Lamko (directeur de la Casa Hankili Arica, Centro Historico in
Mexico, Mexique), Aloys Mahwa (
Chercheur à l’Interdisciplinary Genocide Studies Center, Kigali, Rwanda) et
Wandja Njoya professeur assistant à Dastar University, Nairobi, Kenya).
à ceci il faut envisager la formation d'une nouvelle classe d'élite congolaise: priorité!
RépondreSupprimerle syndrome de la jeune fille violée dans toute sa splendeur.
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