lundi 14 janvier 2013

Les nouveaux mythes d’espérance politique dans notre pays. Comment les élites intellectuelles et le petit peuple de la capitale de la RDC voient l’Etat et la politique aujourd’hui


  Introduction
J’ai fait il y a quelques mois un voyage dans la capitale de mon pays après de longues années d’absence. J’étais venu dans cette ville pour une saison de conférences et d’enseignement, avec un faisceau des questions dans mon esprit en vue d’un colloque sur la refondation de l’Etat congolais que l’Institut interculturel pour la Région des Grands Lacs (Pole Institute) se proposait d’organiser à Goma au cours de la période de célébration des fêtes de l’indépendance. Devant intervenir dans ce colloque, j’eus l’idée de prendre Kinshasa comme un important terrain de préparation.  Je m’y posais alors,  en vue de  trouver des réponses utiles, les questions que voici :
Existe-il en République démocratique du Congo des courants de pensée susceptibles de fonder et de promouvoir un nouvel ordre politique face aux problèmes multiples que le pays affronte aujourd’hui ? Sur quelles bases ces courants reposent-ils ? A quelles sources se nourrissent-ils et quelles perspectives ouvrent-ils aux populations dans leurs quêtes  concrètes et dans leurs préoccupations les plus urgentes ?
C’est à ces questions que je cherche à répondre ici, dans le but d’éclairer un paysage intellectuel que le grand public cultivé ne connaît pas beaucoup au moment où il est pourtant indispensable de réfléchir sur quelque chose qui me parait fondamental : les bases à partir desquelles il convient de penser l’Etat, la nation et la politique face à l’avenir.
            Ces bases, je les ai perçues à Kinshasa sous la forme deux grands mythes d’espérance, derrière des débats intellectuels qui en cachent souvent la fécondité. Mon récit a pour but de dévoiler cette fécondité sous un éclairage de réflexion philosophique.

Atterrir à Kinshasa quand la nuit s’annonce
Lorsque l’avion de la compagnie Brussels Airlines, que j’avais pris à Douala, atterrit à l’aéroport de Ndjili, à la tombée d’une nuit tendrement chaude dont je reconnus tout de suite les inflexions et les modulations suaves quinze ans après mon dernier passage dans cette capitale de mon pays, mon cœur se serra d’une tendresse brusque et d’une joie palpitante. La nostalgie que j’avais éprouvée pendant toutes mes années d’absence remonta du fond de mon être avant d’exploser dans une sensation d’exaltation pulpeuse face au corps de ma nation que je redécouvrais comme une fabuleuse nudité. J’en tremblais d’érotisme intérieur, étrangement, comme si Kinshasa fût une femme de fantasme dansant devant mes yeux médusés. Je me concentrai en moi-même devant cette image. Des milliers de souvenirs  jaillirent de mon esprit et je me mis en prière devant Dieu, devant les mânes des ancêtres et devant les figures prestigieuses dont Kinshasa, par sa musique, par ses arts, par son monde de la culture et de la pensée,  berça mes années d’adolescence à la fois studieuse et ludique. Kinshasa de mes jeunes amours. Kinshasa de mes ardentes amitiés. Kinshasa de mes maîtres à penser. Kinshasa de mes rêves et de mes jouissances infinies. Tout cela défila en moi, orageusement. Et je ne savais pas que la magie ainsi déclenchée serait brusquement brisée, de manière inattendue.
En effet, dans la salle de contrôle des papiers d’identité vers laquelle j’avançais, le cœur illuminé d’espoir et l’âme ivre de passion pour mon pays, une ruée désordonnée se déclencha, comme si tout le monde voulait envahir en même temps les guichets pour que chaque passager soit le premier à arriver au grand hall où l’on retire les bagages. Le désordre ainsi créé choqua et agaça profondément un passager venu de Bruxelles qui s’écria, juste derrière moi : « Ce pays ne changera jamais ! ».
Cette première parole que j’entendais à mon arrivée au pays natal eut sur moi l’effet d’un coup de fouet et me tira de ma rêverie. Je venais participer à un colloque des universités protestantes d’Afrique centrale et j’avais hâte de montrer à mes collègues camerounais venus avec moi ce que je considère comme le génie de ma nation : une certaine joie de vivre et une indomptable foi en l’énergie vitale, une impressionnante force d’affronter les malheurs et une capacité infinie  de les dépasser, un grand courage d’être et une puissante volonté d’espérer contre toute espérance, la ferme conviction qu’au bout des luttes contre les pesanteurs du mal et les affres de l’inhumain sous toutes leurs formes, la vie et le bien finissent toujours par vaincre, par triompher. Je voulais montrer un Congo en reconstruction : le Congo de la renaissance africaine.
Parce que mon esprit était porté par cette exaltation de retrouver, palpitante et belle, la capitale qui eut à un certain moment la réputation d’être Kin-la-Belle, j’avais imaginé que ce que je devais voir différerait de la nouvelle image de Kinshasa dont  on parle partout dans le monde : une poubelle glauque et un immense dépotoir de toutes les désespérances humaines du pays.
Dès l’arrivée, mon espoir était battu en brèche par cette phrase lourde de sens sortie de la bouche de mon compatriote à l’aéroport de Ndjili: « - Ce pays ne changera jamais. »    
La phrase me fut insupportable et je me retournais vers  celui qui me l’avait assénée dans le dos pour lui dire : « - Mon frère, ce pays changera. » L’homme fut surpris par la causticité avec laquelle je lui avais parlé et il perçut dans mon regard toute la colère qui s’y était  concentrée. Je m’en pris vertement à son désespoir : « - Nous ne pouvons pas avoir un pays comme celui-ci et croire qu’il ne peut pas changer, ce n’est pas possible et il faut tout faire pour qu’il change. »
Mon interlocuteur me regarda fixement et je vis dans ses yeux une souffrance aiguë, une sorte de pitié pour le Congo. Une pitié profonde mêlée à une attente sourde de voir un miracle se produire dans le pays. Il me répondit avec gentillesse par une question qui semblait l’obséder et qu’il devait s’être posée sans doute mille fois : « Qui changera ce pays ? »
C’est avec cette question dans tout mon être que j’entrai dans Kinshasa, prêt à découvrir les forces du changement qui doivent sûrement s’y concentrer et s’y déployer, contrairement à l’image désastreuse que le pays a dans le monde entier.

Pensée d’en bas : croire au peuple du changement
Par réflexe d’homme de culture et de pensée, je n’ai pas voulu me tourner spontanément vers le monde de l’agitation politicienne et chercher la volonté du changement dans les luttes postélectorales qui opposaient en ces mois de février et mars 2012 les partisans des «  deux présidents » dont il m’était difficile, faute d’informations fiables au Cameroun, de savoir qui était vraiment élu et qui ne l’était pas. J’avais vaguement le sentiment que le changement ne se trouverait pas de ce côté de l’agitation politicienne. Je connaissais trop l’univers politique de mon pays depuis des années pour croire que les batailles des camps en présence aboutiraient à autre chose qu’à de l’immobilisme desséchant. J’avais perçu dans les prises de position du cardinal de Kinshasa sur les élections un signe très clair : l’élan de la politique congolaise était plombé et ce n’était pas de si tôt  que la situation serait débloquée. De même, l’incohérence de la communauté internationale qui trouvait que les élections au Congo n’étaient pas crédibles et qui en acceptaient pourtant les résultats me paraissait complètement incompréhensible. Elle traduisait une situation d’absurdité qui caractérisait tout le processus électoral dans sa substance même : son manque de préparation sérieuse, le doute sur l’impartialité de son instance organisatrice,  l’absence d’explication profonde des enjeux du scrutin aux populations et le tissage des ruses et des mensonges  de la part des acteurs politiques, camp présidentiel et camp de l’opposition confondus.
Ce dernier point est capital. A partir du moment où la règle du scrutin à double tour avait été votée par le parlement, le camp présidentiel savait qu’il venait de semer le doute dans l’esprit du peuple sur le sérieux même des élections. De même, lorsque l’opposition accepta d’aller à ces élections dans des conditions ainsi piégées, elle savait bien à quelle débâcle elle allait et elle se mentait à elle-même en croyant qu’elle pouvait gagner. Il était clair que se préparait alors un faux scrutin dont l’aboutissement ne pouvait être que des faux résultats, dans le principe même des choses. Les urnes et leur contenu n’avaient rien à voir là dedans : c’est le principe même d’une élection pipée qui posait problème.
Le statu quo était ainsi programmé et aucune pensée de changement n’avait droit de cité dans le champ de la politique politicienne. Cette conviction que j’éprouvais avant le scrutin présidentiel et législatif, je voulus savoir si elle correspondait à une sensibilité partagée par la population dans la ville de Kinshasa comme baromètre de l’orientation politique nationale.
Tout au long de mon séjour dans la capitale, j’entrepris d’en discuter avec les étudiants, avec les membres de la société civile, avec les écrivains et les artistes ainsi qu’avec les représentants de ce que l’on a coutume d’appeler le petit peuple. Tous les échanges aboutirent à des conclusions indubitables à mes yeux indubitables : la tendance la plus lourde qui se dégage sur le changement politique au Congo est la tendance du doute sur la capacité de l’ordre politique actuel, dans sa configuration globale, de changer profondément et positivement le Congo.
Ce doute ne m’a pas fait l’impression d’être un doute sentimental ou une humeur factice de la mode. Il m’a paru être un doute de fond, basé sur une observation solide de la classe politique et argumenté de manière crédible dans une réflexion permanente. C’est pour cela que je le considère comme un véritable courant de pensée. Un courant que j’ai cherché à caractériser par quatre idées directrices.
La première idée directrice qui m’a frappé dans tous les échanges que j’ai eus avec mes interlocuteurs, c’est la conviction que la politique au Congo est dominée par la culture de la prédation entretenue par les élites dirigeantes. Une culture qu’elle répand de plus en plus dans l’administration et la gestion de l’Etat. « On ne change pas un pays avec l’accoutumance  vol », m’a clairement dit un étudiant de l’Université protestante au Congo. La lutte à mener pour changer le Congo est donc la lutte contre la gouvernance du vol structurel. Cette lutte, l’ordre politique actuel ne veut pas et ne peut  pas la mener : dans le camp du président comme chez les prétendants au pouvoir dans l’opposition, la gangrène des esprits est telle qu’il ne s’agit pas d’une question de tel ou tel dirigeant, d’un qui serait pourri et d’un autre qui serait pur comme l’eau de roche, mais d’un système national complètement pathologique.
La deuxième idée directrice qui m’a frappé est la conviction que l’ordre politique régnant se nourrit du leurre démocratique pour mieux asseoir sa puissance nocive et refuser toute alternance par les urnes, condamnant ainsi le pays à ne pas penser à d’autres alternatives de changement qu’à ceux par les armes. Même une certaine opposition qui avait jusqu’ici cru à la non-violence comme voie d’alternance politique commence à déchanter dans la capitale. Le leurre démocratique devient de plus en plus visible dans ses ruses, dans ses mensonges et dans ses violences. Il caractérise la situation du pays aux yeux du monde de la culture et de la pensée comme aux yeux du petit peuple. Leurre démocratique, système de violence et tentation de contre-violence populaire sont ainsi les réalités actuelles du champ de la politique telle qu’elle est pensée et vécue dans la capitale congolaise.  « Nous en avons assez », m’a dit un chauffeur de taxi sur le Boulevard triomphal de la capitale, dans un langage succulent dont les Kinois ont le secret, « il faut que les choses changent, par tous les moyens, même s’il faut que le sang coule. »
La troisième idée directrice qui m’a frappé dans mes discussions avec le monde de la capitale, c’est la conviction que la crise et la stagnation actuelles de la RDC sont voulues et entretenues dans des liens explicites entre les autorités politiques en place, les pouvoirs politiques dans certains pays voisins, le réseau de certains trusts internationaux de prédation et la complicité d’une communauté internationale que le statu quo arrange d’une manière ou d’une autre. Cette analyse, je l’ai entendue non seulement dans les hauts lieux du savoir, chez les professeurs d’université ou dans les rédactions des organes de presse, mais même dans les taxis, dans les petits marchés et dans les ngandas les plus populaires de la capitale. C’est surtout au sujet de l’insécurité à l’est du pays que les arguments crépitent comme des balles : « C’est toujours la même chose dans le Kivu : opérations militaires ratées, attaques des FDLR sur les populations, milices de toutes sortes qui pillent, tuent et violent, présence rwandaise permanente, vous n’allez pas dire que le gouvernement congolais n’y est pour rien ? » ; « La MONUSCO, elle fait quoi si la situation ne change jamais ? C’est devenu un business bien lucratif pour notre gouvernement, pour le Rwanda et pour tous les prédateurs » ; « Et tous ces généraux qui s’enrichissent dans le Kivu, pourquoi voulez-vous qu’ils fassent la guerre pour défendre la nation? » ; « Quand la solde des militaires est détournée par leurs chefs, cela est quand même clair que le gouvernement coopère avec les fossoyeurs du Congo. » J’ai entendu toutes ces phrases, à saturation, comme si un même disque tournait sans fin. J’en ai conclu qu’il s’agit là d’une lame de fond de la pensée politique populaire dans Kinshasa aujourd’hui.
La quatrième idée directrice qui m’a frappé dans mes échanges kinois, c’est la certitude qu’une accoutumance à l’impunité et à la corruption est volontairement entretenue pour noyer le Congo dans une crise endémique. « Il n’est pas possible que tant des fortunes illicites se construisent au vu et au su de tous sans qu’aucune lutte contre l’impunité et la corruption ne soit déclenchée par les autorités établies », m’a affirmée un avocat de la place. Pour me donner un exemple précis, Il m’a décrit le système de détournement des fonds dans le monde des douanes où, selon ses estimations, l’Etat ne reçoit même pas le tiers de ce qu’il doit recevoir pour le développement du pays. « Vous appelez ça un Etat ? Moi pas. »
En réfléchissant sur ces lignes de fond du sentiment politique à Kinshasa, sentiment que j’ai perçu comme une véritable vision qui forme une pensée populaire, j’ai compris aujourd’hui que la conscience qui s’exprime dans ses analyses configure déjà une mentalité. Celle de l’émergence d’une culture d’indignation qui aboutira sans doute, si rien de décisif n’est fait, à des conflagrations catastrophiques. Quand un peuple veut des changements et qu’il voie sa situation économique et sociale empirer dans un système comme celui que l’on observe actuellement, il ne peut pas ne pas faire de son désespoir, à un moment ou à un autre, une énergie d’explosion politique. De ce point de vue, Kinshasa est une poudrière, un volcan qui gronde chez le peuple du changement.
Parler ainsi ne signifie pas du tout être un oiseau de mauvais augure ni un pessimiste invétéré. C’est plutôt prendre conscience d’un mythe important qui est en train de prendre corps au Congo : le mythe d’un nouveau commencement pour le pays, le mythe de la refondation du destin congolais grâce à l’énergie des Congolais eux-mêmes. S’il faut entendre par mythe le récit fondateur par lequel un peuple se donne une certaine image de lui-même et construit la représentation de ses grandes espérances, la pensée politique populaire qui s’épanouit dans la capitale est un récit sur un autre Congo à faire naître, même si le mythe n’a pas encore toute l’emprise qu’il devrait avoir dans les consciences, dans les esprits et dans les imaginations.
Evidemment, compte tenu du charivari officiel de ceux qui dominent aujourd’hui l’espace public et médiatique, beaucoup de personnes ne sont pas encore sensibles à ce mythe comme dynamique congolaise de fond. J’ai le sentiment que cela deviendra de plus en plus possible et qu’on va vers un avenir des changements radicaux, quand le mythe, dans sa temporalité profonde et dans son lent travail de mûrissement dans les consciences, donnera les fruits qu’il doit donner pour la construction d’une nouvelle destinée congolaise. Tant d’hommes et de femmes ne peuvent pas à ce point souhaiter un changement et se retrouver longtemps encore sous le joug du statu quo.
Mais comme tout mythe, celui du commencement d’un nouveau Congo a besoin d’être raconté partout. Il a besoin de devenir un flot de rêves et de paroles, un discours de foi et d’espérance pour faire tout le travail qu’il doit faire dans les profondeurs des citoyens. Il suscitera alors des révoltes qui seront autre chose que la violence stérile. Il suscitera la confiance du peuple en lui-même pour que surgissent des initiatives radicales que tout souci d’un nouveau commencement comporte. On pourra y récupérer toutes les luttes du peuple et en faire une nouvelle énergie contre le mal politique et tout son système. Il y a là une immense espérance.
Pensée d’en haut : croire en la nouvelle puissance du Congo
 A côté du profond et puissant courant de la pensée populaire qui agite politiquement Kinshasa sous forme d’un grand mythe de nouveau commencement dans les réflexions d’une multitude de personnes,  j’ai été fortement impressionné par le dynamisme du mouvement contre la balkanisation de la RDC. Dans les débats intellectuels publics, c’est actuellement le courant le plus visible, qui cherche à mobiliser le monde universitaire et les milieux de la culture et de la pensée avec le plus de vigueur et de conviction.
Au centre de sa pensée : la conviction qu’il existe un plan international de balkanisation du Congo et que ce plan est en marche, avec des hauts et des bas liés à la capacité du peuple congolais à réagir ou pas. L’est de la RDC est l’enjeu de ce projet dont les pays voisins tirent profit dans une guerre de prédation dont le chaos actuel est le résultat.
Pour nourrir cette conviction de fond, tous les signes d’une volonté de balkanisation sont notés au jour les jours, les plus manifestes comme les plus subtils. Ceux du poids militaire du Rwanda dans le Kivu. Ceux des tribulations causées par les FDLR dans les populations congolaises pour dépeupler les villages. Ceux de l’ambition ougandaise d’exploiter le pétrole congolais. Ceux du regard féroce et froid d l’Ogre angolais sur les richesses aux frontières avec le Congo. Ceux des déclarations américaines successives depuis Bill Clinton jusqu’à nos jours, ceux de l’orientation de plus en plus visible de la région du Kivu vers l’espace économico-financier des pays d’Afrique de l’est. Même le monde de l’imaginaire littéraire comme les romans de John le Carré est mis à profit pour valider la thèse du complot anglo-saxon en vue de déstabiliser, puis de diviser le Congo. Le journal Le Potentiel, vitrine d’un certain Congo de  l’intelligence, s’est d’ailleurs donné un mot d’ordre significatif : « Non à la balkanisation du Congo. »
Quand on y regarde de plus près, on se rend compte que ce courant anti-balkanisation ne se présente pas seulement comme un mouvement anti-balkanisation. Il a un projet positif qui est de penser et de construire l’unité du Congo sur des bases qu’aucune dynamique de balkanisation ne pourra plus ébranler. A mon avis, l’agitation qui est créée par ses thuriféraires autour de l’idée du complot contre le Congo vise moins à fournir des informations scientifiques justes et vérifiables qu’à créer un nouvel imaginaire de la refondation de l’unité du Congo. Il s’agit moins de science que de furie idéologique qui cherche à exploiter les affects congolais les plus profonds en vue de résister aux puissances internes et externes qui affaiblissent le pays et de créer un sursaut psychique pour la renaissance de la nation comme puissance en Afrique centrale, au sein du continent africain tout entier et dans le monde. D’où un travail particulier que les antibalkanisateurs abattent dans le monde universitaire à travers des conférences-débats et des ateliers de réflexion. D’où aussi le matraquage médiatique dont les émissions radio et télé en constante ébullition sont des symboles fougueux.
Comme dans tout combat idéologique fort, l’unité visée a ses bases  dans les « tripes », dans les émotions les plus torrides, avec un ancrage profond dans les peurs irrationnelles et dans le refus de se faire phagocyter par des voisins que l’on transforme en épouvantails permanents. Mais elle est aussi une unité à construire et à sauvegarder dans la vigilance permanente face aux ennemis externes ainsi que dans la critique constante des faiblesses internes qui divisent le pays contre lui-même.
On peut reprocher aux antibalkanisateurs leur dramatisation de la thèse du complot contre le Congo et leur hyperbolisation de tout élément qui conforte leur thèse. Il est pourtant indéniable que leur discours a un poids politique certain dans le monde du savoir, de la culture et de l’intelligence. C’est un discours auquel les milieux diplomatiques sont maintenant sensibles et que les pouvoirs politiques prennent au sérieux, même s’ils ne lui donnent pas des réponses à la hauteur des menaces mises en lumière.
Un autre groupe de réflexion dont l’action frappe l’esprit à Kinshasa, c’est celui qui rassemble en son sein des néopharaonistes et des néotraditionalistes qui veulent asseoir une nouvelle politique congolaise sur le socle d’une refondation globale de l’être africain.
J’appelle néopharaonistes les élites intellectuelles fascinées par la référence à l’Egypte pharaonique dans leurs recherches sur les problèmes de l’Afrique actuelle. Leur pensée s’articule autour de cinq nœuds dont chacun est à leurs yeux un enjeu politique actuel pour le continent africain.
Le nœud de la spiritualité. Dans la pensée néopharaoniste, la spiritualité désigne le mouvement d’ouverture aux grandes sphères d’énergie dont tout être humain et les sociétés doivent se nourrir pour s’accomplir. Cela depuis le cœur énergétique de la réalité qu’est Dieu jusqu’aux énergies végétale et minérale, en passant par l’énergie des dieux, l’énergie des esprits, l’énergie des ancêtres et l’énergie des hommes parfaits, chaque sphère représentant une exigence pour l’homme d’être dans un certain type de porosité avec la réalité. Chaque fois que sont oubliées ces exigences de fécondation de l’homme par des énergies fondamentales, les individus et la société dépérissent, faute de force spirituelle. C’est cela qui arrive au Congo, avec pour conséquence politique un manque manifeste d’orientation vers l’avenir.
Le nœud de l’éthique. Dans la pensée néopharaoniste congolaise, l’éthique est l’incarnation des valeurs irriguées par la spiritualité dans la vie concrète. C’est le domaine des valeurs d’humanité profonde, qui unissent les êtres et composent la trame de leur destinée communautaire. Là où manquent ces valeurs d’humanité, la société se déstructure. C’est ce qui arrive au Congo aujourd’hui.
Le nœud de la gouvernance. Il s’agit ici du leadership dans une société, domaine où les dirigeants doivent être ouverts à l’exigence éthique et à la puissance de la spiritualité. Quand les leaders  n’ont aucun sens de ce à quoi engagent ces réalités sublimes, toute la société se délite, faute de boussole et de gouvernail. C’est ce qui arrive au Congo aujourd’hui. 
Le nœud de l’éducation. Les néopharaonistes congolais voient dans l’éducation un vrai lieu initiatique de transmission des valeurs, du sens spirituel de l’existence et de la solidité de l’être pour conduire les hommes vers l’état d’homme parfait et le statut d’ancêtre. Quand une société n’a plus de tels repères fondamentaux et que son système éducatif se réduit à la course vers les biens matériels et l’enrichissement insensé, la société se vide de toute substance et dépérit. C’est ce qui arrive au Congo aujourd’hui.
Le nœud de la langue. Les peuples qui n’honorent pas leurs langues pour en faire des langues de culture, de savoir, de pensée et de rayonnement mondial sont des peuples d’aliénation et d’extraversion, condamnés à n’avoir aucune influence sur la marche et le destin du monde. C’est ce qui arrive au Congo aujourd’hui. 
Dans la pensée néopharaoniste, les cinq nœuds ainsi définis ont un statut spécial : celui de définir la mesure à partir de laquelle il est possible de penser la refondation de l’être, condition même de la refondation de la société dans ses dimensions politique, économique, sociale culturelle et religieuse. Plus exactement, ils constituent un protocole d’évaluation de la néopharaonité d’un pays ou d’un peuple en Afrique, par rapport à la grandeur de la pharaonité antique qui, grâce à ces critères, fit de l’Egypte ancienne une nation de première grandeur, selon le pape actuel du néopharaonisme à Kinshasa, Martin Massonssa-wa-Massonssa.
De cette Egypte, dans la perspective spécifique de la refondation de l’Etat qui est le problème actuel de la RDC, trois figures de pharaons sont toujours invoquées comme représentations de ce qu’il y a lieu de construire en termes de mythes porteurs de vie nouvelle :
-          Le pharaon Menès Narmer, fondateur de l’empire de l’Egypte antique par un acte d’unification politique qui est aujourd’hui encore la route politique à suivre en Afrique et au Congo : s’unir en vue de la nouvelle puissance.
-          Le pharaon Akhenaton, inventeur du monothéisme comme symbole d’une unité spirituelle rassemblant toutes les identités religieuses en une grande vision d’identité commune pour construire une nouvelle destinée au peuple. On voit bien tout le bénéfice que le Congo peut tirer de cette figure tutélaire pour casser les reins aux identités meurtrières actuelles.
-          Le pharaon Sesostris, qui fut un conquérant plus grand et plus fascinant qu’Alexandre Le Grand et Napoléon ensemble, puisque ses conquêtes furent la source d’une civilisation mondiale nourrie par le souci des valeurs d’humanité.
Il s’agit ici plus de vision mythique dans l’imaginaire que de construction historique scientifique. Ce que l’on veut, c’est de forger pour les nouvelles générations qui rêvent d’une nouvelle Afrique et d’un nouveau Congo un esprit de puissance créatrice et organisatrice. Les néopharaonistes leur proposent un mythe de refondation de l’être et de la société : le mythe de la nouvelle puissance pour un nouveau rayonnement mondial de l’Afrique et du Congo. Pour réussir la renaissance et la reconstruction du Congo, le nouvel Etat à bâtir doit se ressourcer à l’esprit de la grande pharaonité politico-éthico-spirituelle que représentent Narmer, Akenathon et Sesostris, symboles dynamiques d’une puissance et d’une grandeur à construire comme énergie d’avenir.
Vu sous cet angle, le néopharaonisme de Kinshasa est fortement lié à un autre courant anthropologico-politique dont j’ai découvert la substance au cours de mon voyage : le néo-traditionalisme. Il s’agit d’une volonté ferme de redécouvrir les traditions culturelles de l’Afrique et du Congo de manière à la fois scientifique et idéologico-mythologique. Cela selon une double perspective : enseigner l’Afrique aux nouvelles générations et booster l’imaginaire de la jeunesse avec les normes africaines capables de les décomplexer totalement et de les conduire à inventer une modernité nouvelle dans la rencontre avec les autres civilisations. Ce néo-traditionalisme résolument tourné vers l’avenir a pour objectif de créer un nouveau type de conscience congolaise : la conscience d’une authenticité créatrice, différente de la farce mobutiste qui fut une catastrophe politique et culturelle pour le Congo. Selon Olivier Sangi, le représentant le plus marquant de cette néo-authenticité enracinée dans une tradition inventive et libératrice, l’ambition est de reprendre toutes les grandes luttes des figures de la liberté africaine dans l’histoire pour en faire une nouvelle sève anthropologique et politique : la sève de la nouvelle puissance d’ humanité africaine.
Deux idées ont frappé mon esprit dans la nouvelle authenticité congolaise prônée par les néo-traditionalistes de Kinshasa.
Premièrement, la tradition africaine est invoquée comme puissance à reconquérir dans ses mystiques vitales, dans ses valeurs initiatiques, dans ses efflorescences anthropologiques et dans ses ambitions de créer une société forte. Il s’agit, pour reprendre un concept popularisé par Placide Tempels, de donner à l’Afrique et au Congo une nouvelle force vitale, fondée sur la vitalité même de l’histoire et de l’humanité africaine, sur la vitalité profonde de l’histoire de l’humanité africaine.
Deuxièmement, il s’agit d’un processus de fertilisation d’un instinct d’amour du pays, en vue des initiatives qui soient des preuves d’amour pour la nation, « car aimer son pays, affirme Olivier Sangi,  n’est pas une question d’attachement sentimental, mais un commandement pour le changer en liant son avenir au présent et au passé ».
Un jour, soucieux de ne pas laisser les néo-traditionalistes verser dans l’idyllisme et la délectation d’une Afrique purement et faussement fantasmée, je rappelai à leur souvenir toute la littérature d’attaque contre la culture africaine et ses atavismes destructeurs. Notamment : la mentalité anti-développement, l’arriération des structures sociales et la faiblesse des rationalités traditionnelles. La réponse que je reçus fut cinglante de lucidité : « Nous préparons un nouveau panafricanisme, nous et ceux que tu appelles néopharaonistes et antibalkanisateurs. Nous sommes un et nous ramons tous dans le même sens contre les politiques d’aliénation, de division, d’affaiblissement et de destruction du Congo.»
L’idée du néopanafricanisme me parut alors comme le véritable horizon politique du mythe du nouveau commencement de l’Afrique et du mythe de la nouvelle puissance africaine, deux leviers du discours politique dans la haute sphère des hommes de la culture et de la pensée au cœur de la capitale. L’homme qui incarne aujourd’hui le néopanafricanisme à Kinshasa, Emmanuel Kabongo Malu, est un féru de la conscience historique africaine, un militant anti-balkanisation et un panafricaniste kadhafiste. Il unit toutes ces dimensions de ses recherches dans une volonté d’action contre la faiblesse actuelle de la RDC dans le monde.  Son panafricanisme est avant tout un pancongolisme destiné à donner à la nation le statut de tête de pont du nouveau panafricanissme, après la mort de Kadhafi. « Les projets des Etats-Unis d’Afrique, d’un Fonds monétaire africain, d’une organisation panafricaine de communication, d’un gouvernement continental et d’une action commune des pays africains pour une nouvelle mondialisation délestée de la domination occidentale du monde, tout cela dont le colonel Kadhafi rêvait, nous devons en faire l’orientation décisive de la politique congolaise », m’a affirmé Kabongo Malu.
Il se rapproche ainsi, malgré leurs différences d’appréciation de la conscience historique africaine et des valeurs culturelles de l’Afrique, des ambitions du penseur politique le plus en vue à Kinshasa aujourd’hui : Philippe Biyoya Makutu. Celui-ci est un spécialiste en géostratégie. Il prône  un néo-réalisme politique où il convient de penser le Congo en fonction du monde tel qu’il est et non en fonction d’un monde idyllique que nous désirerions. Dans ses discussions avec les néopharaonistes, avec les néo-traditionalistes et avec  les anti-balkanisateurs, il m’a paru être une conscience concrète pour une puissance congolaise qui intègre, sans état d’âme, la puissance militaire, la puissance économique, la puissance politique et la puissance culturelle dans des luttes concrètes au sein de l’actuelle mondialisation. « Il faut que les Congolais sachent cela et s’organisent en conséquence », affirme-t-il. J’ai senti dans cette pensée une énergie utile à la jeunesse actuelle.
Et la révolution de la modernité ?
« Et la révolution de la modernité dont parle le pouvoir politique en place, qu’en avez-vous appris à kinshasa ? » me demanderez-vous.
J’ai appris qu’il faut encore lui donner un contenu politique et philosophique solide.  Elle n’est pas encore une idéologie construite, encore moins une action visible.  J’ai compris qu’il s’agit de relancer la politique de cinq chantiers dont les résultats sont fort mitigés à Kinshasa et très décevants sur l’ensemble du territoire national.  Quand on vit dans un pays où l’eau potable, l’électricité, la nutrition, le système de santé et l’emploi sont des denrées rares pour la majorité de la population, la modernisation est une exigence majeure en termes d’infrastructures. Mais il faut plus pour que cette modernisation devienne une révolution de la modernité, c’est-à-dire l’invention de nouvelles rationalités et de nouvelles structures logiques capables de changer le pays. En plus, le mot modernité est philosophiquement mal choisi comme slogan. Il a une connotation spécifique en Occident, que le monde actuel a déjà dépassée au profit des combats altermondialistes tournée vers la conquête de vraies valeurs d’humanité.
Et quel Etat congolais à venir ? Et quelle orientation politique ?
Dans la pensée politique congolaise actuelle telle que j’ai pu en saisir les contours dans mes discussions avec les élites et les hommes du peuple, au cours de mon voyage, j’ai identifié trois formes d’Etat dont les modulations et les puissances de rêve nouveau peuvent rendre possible l’imagination concrète d’une nouvelle forme d’espace de gouvernance aujourd’hui. L’espace d’un Etat qui corresponde concrètement aux attentes du peuple congolais dans la manière dont il aimerait être gouverné non pas seulement comme Etat au sens moderne du terme, mais comme force novatrice dans la dynamique d’un autre monde possible : le Tout-Monde dont parle René Edouard Glissant..
Ce que je cherche à mettre en lumière au bout de ma présentation des lames de fond de la vision de la politique et de l’Etat dans la capitale congolaise, c’est la manière dont la construction d’un nouveau type d’Etat au Congo est indissociable des grands souffles de l’imaginaire congolais tel qu’il doit repenser la politique selon les perspectives de réimagination de toute l’histoire africaine et de toute la splendeur du Tout-Monde, vaste rêve d’une pensée postmoderne en Afrique et au Congo..
La réimagination de l’Etat pharaonique en Afrique
Il faut avant tout que je parle de l’Etat pharaonique tel qu’en lui-même les rêves africains du passé glorieux et des origines prestigieuses du continent l’ont figé. Cet Etat n’est pas à prendre comme une réalité historique que l’on pourrait étudier de manière scientifique dans sa philosophie, dans ses structures institutionnelles et dans son fonctionnement pratique. Une telle description relèverait du travail des historiens qui cherchent la vérité du passé avec la volonté de connaître ce passé dans se dimensions perceptibles sur la base des vestiges concrets et des traditions orales. Des historiens africains comme Cheikh Anta Diop, Théophile Obenga, Bilolo Mubabinge et Kabongo Malu ont déjà fourni le travail de ce type avec un certain bonheur. Ils ont pu mettre en lumière ce que la science historique permet de dire clairement sur les longs et fructueux siècles de l’Egypte pharaonique dans ses dynasties successives et dans les dioramas de leur gouvernance et de leur exercice de la fonction politique. Grâce aux recherches de ces historiens et égyptologues, nous savons que l’Etat à cette époque était théocratique et que ses fondements étaient spirituels. Nous savons que ces bases ont oscillé entre une théocratie fondée sur les valeurs d’orientation communautaire et une théocratie animée par la vision pyramidale et oppressive du pouvoir. Nous savons aussi à quel point cette double orientation déterminait, de dynastie en dynastie, la participation du peuple à la construction de la société. Il y eut des périodes de splendeur où la théocratie irriguait des énergies pour une société de prospérité partagée. Mais il eut aussi des périodes de dictature féroce comme celle dont parle les textes du livre de l’Exode dans la Bible, témoins d’une politique de fer à laquelle Moïse opposa une extraordinaire énergie de libération en lançant une partie du peuple dans la voie de la révolte contre les dérives despotiques. Sous l’angle de la prospérité partagée ou sous celui de l’oppression inique, la religion déterminait la dynamique de la gouvernance. C’est en elle que les valeurs essentielles de la société concentrées dans le concept de la Maat donnaient la plus haute mesure de l’idée et du sens du pouvoir politique. Celui-ci, dans l’idéal de son exercice, était un lieu d’une visée d’humanité : un ordre social alimenté par le souci de la justice, de la vérité, de l’équité et du respect des équilibres instaurés par le divin. Le pharaon étant garant du divin dans la société par sa nature de monarque d’origine transcendante, il lui était exigé d’exercer le pouvoir selon la dynamique de la Maat, fondement et substance de l’humanité éthique et spirituelle véritable.
Mais la réalité de l’Etat pharaonique n’était pas toujours conforme à cet idéal de la Maat. Des pharaons féroces et tyranniques ont régné  sur le peuple selon des antivaleurs qui cassaient les exigences de la Maat. Cela a même donné à Ismaël Kadaré, célèbre romancier de notre temps, l’idée de penser que la construction des pyramides était dictée par des ambitions politiques de mettre le peuple au travail pour l’empêcher d’imaginer une quelconque révolte, tellement il aura été exténué dans les travaux de construction d’édifice mortuaires gigantesques. Sans aller jusqu’à cette hypothèse extrême, on peut dire avec certitude que la réalité du pouvoir pharaonique était complexe dans son exercice, avec des moments d’oppression et des moments du respect de la Maat comme force de fertilisation de l’imaginaire de la gouvernance.
Mais ce n’est pas cette réalité complexe de la vérité historique qui nous intéresse en Afrique maintenant. Le plus important, l’essentiel pour l’imaginaire africain aujourd’hui, c’est l’Etat pharaonique comme réalité imaginale. C’est-à-dire puissance, pouvoir et énergie de vision et de représentation grâce auxquelles un peuple se forge un indomptable imaginaire et une visée d’idéal pour la construction de son avenir. Avec des normes, des valeurs et des ambitions pour changer la société en mettant en branle « la formidable puissance du rêve » dont tout homme et tout peuple sont dotés, pour reprendre l’expression de Laënnec Hurbon.[1] La perspective imaginale, c’est, en fait, la perspective de la fougue des utopies qui permet à une population, « par un déplacement et une projection de ses structures de fiction »[2], de rompre avec l’ordre régnant des choses pour l’avènement du possible. L’utopie se présente ici comme « puissance d’anticipation » : elle «délivre du fatalisme et exprime l’espérance des masses en un changement radical de leurs conditions d’oppression».[3] 
Quand l’Afrique actuelle, dans le chefs de ses penseurs de l’Etat, fait appel à l’Etat pharaonique, c’est selon cette perspective d’utopie essentielle qui renvoie à ce que  Elie Wiesel appelle l’imagination en amont. C’est-à-dire la manière dont, aujourd’hui,  les Africains pensent que leurs Ancêtres pharaoniens les ont inventés dans la puissance de leurs rêves et dans l’énergie de leur pouvoir d’anticipation. Quand on regarde le passé avec les yeux de cette imagination en amont, on le fait en vue de l’imagination en aval, toujours selon le mot d’Elie Wiesel. Cette imagination en aval projette le possible à léguer aux générations futures, sur la base des rêves du présent qui grondent dans l’imaginaire social, selon « la perception de l’horizon des possibilités réelles inscrites dans le monde » d’aujourd’hui, comme aurait dit Ernst Bloch.[4]
L’Etat pharaonique devient ainsi, pour l’Afrique actuelle, un principe d’espérance politique par excellence. Le lieu d’une vision de la Maat comme énergie qui peut et doit fertiliser la vision de l’Etat en Afrique, ici et maintenant, en vue de l’Etat du futur, accomplissement même d’une gouvernance essentiellement éthique et spirituelle.
Comment cet Etat est-il perçu en tant que réalité imaginale ? Essentiellement comme l’énergie d’une contre-culture politique qui combat vigoureusement la culture politique dont l’Etat africain actuel se nourrit. Contre-culture, mais surtout contre-modèle de l’imaginaire du pouvoir et de la gouvernance.
Au modèle et à la culture d’extraversion et d’aliénation, il oppose l’utopie politique d’un Etat autocentré et ouvert aux autres Etats à partir d’une vision de la grandeur fondatrice d’une Afrique irriguée par ses propres valeurs politiques, celles de la Maat rémaginée face aux défis africains d’aujourd’hui.
Au modèle des dictatures tropicales sans vision ni du passé, ni du présent, ni de l’avenir, il oppose un Etat fondé sur une conscience historique claire. Conscience de réimagination du passé selon la grandeur des sources africaines du politique. Conscience des catastrophes politiques actuelles du continent. Conscience d’anticipation de ce que nous devons avoir comme Etat dans le futur grâce à notre volonté nationale de construire un Congo nouveau.
Vous l’avez compris : nous sommes ici en plein mythe et l’Etat pharaonique est le moteur de cette nouvelle dynamique mythique pour l’imaginaire africain. Ce mythe, c’est de fonder l’Etat sur la Maat. Ou plus exactement : fonder l’Etat sur une énergie de type spirituel qui, selon « ce que l’anthropologie sociale et culturelle considère comme le cœur de la religion : la transmission de l’humanité de l’homme comme héritage. »[5]
Aujourd’hui, la tâche par excellence de la refondation de l’Etat en RDC, c’est de donner une substance concrète à cette vision, sans s’enfermer dans l’exaltation passéiste de l’Etat pharaonique ni s’engluer dans une imagination stérile d’une politique idéale dont la férocité des politiques africaines interdissent toute possibilité d’accomplissement. Pour ce faire, il ne convient pas de chercher la matérialité des faits et l’existence réelle de l’Etat pharaonique. Il faut situer cet Etat comme une dynamique de l’esprit : la force du nouveau rêve pour une politique de la grandeur africaine dans le monde. C’est là un nouveau chemin de l’imaginaire politique pour notre pays aujourd’hui.
Dans la réimagination du pouvoir traditionnel africain
Ce qui vient d’être présenté concernant l’Etat pharaonique, il convient de le prendre comme grille pour saisir les analyses du pouvoir dit traditionnel dans la pensée africaine aujourd’hui.
Nombreuses sont les approches de ce pouvoir tel qu’il fut exercé au temps des grands empires africains : ceux du Ghana, du Songhaï, du Mali, ou des royaumes Luba, Kuba, Lunda, Zulu ou Monomotapa.
Des historiens comme Elikia M’Bokolo, Ibrahim Baba Kake ou Joseph Ki-Zerbo ont donné de la réalité de ces Etats des descriptions claires et honnêtes, dans la complexité de ce  dont l’âme humaine est capable dans l’exercice du pouvoir politique. Grâce à l’analyse des faits et des événements incontestables, ils ont décrit ce que l’on pourrait appeler la banalité de l’exercice du pouvoir. Banalité du mal politique avec ses violences, ses ruses, ses mensonges et ses férocités. Mais également splendeur du bien politique d’une certaine gouvernance africaine avec ses solidarités, ses systèmes de sécurité pour les populations, ses réalisations de prestige impériale, ses recours aux valeurs et son respect pour l’ordre de la transcendance du bien commun.
Du côté de la banalité du mal politique, le célèbre roman de Yambo Ouologuem, Le devoir de violence[6], a donné toute la mesure des cruautés et des carnages dans les empires traditionnels africains. On y voit présenter, avec tout le génie littéraire qu’il faut, les folies meurtrières et les rites macabres dont les souverains africains ont émaillé leurs règnes, à la manière du royaume d’Abomey dont les peintures de sang sur les murs sont encore visibles actuellement. Dans la relecture de la traite des nègres par les historiens aujourd’hui, l’accent est aussi mis sur l’implication des potentats locaux dans la traque des esclaves à vendre, avec tout ce que cela comportait de barbarie et de sauvagerie indicibles. Si l’on ajoute à cela l’emprise de l’invisible fétichiste sur la vision du pouvoir dans l’Afrique traditionnelle et que l’on invoque les sacrifices humains dans l’atmosphère de l’occultisme et de l’ésotérisme où ont baigné les chefferies traditionnelles africaines, le tableau devient tragiquement sombre.
Côté splendeur du bien politique, les descriptions idylliques des royaumes précoloniaux africains abondent dans la littérature de nos pays, depuis les récits du beau vieux temps des ancêtres et de leurs splendeurs par Hampâte Bâ jusqu’aux modernes reconstructions scintillantes de la gloire du Royaume Kongo au temps de Nzinga Nkuvu dans l’imaginaire kongo actuel.
Souvent, ces côtés ombre et lumière s’imbriquent dans la vision africaine actuelle du pouvoir traditionnel, surtout quand les travaux historiques sont faits avec la lucidité méthodologique des universitaires soucieux de ne pas être accusés de complaisance face au passé africain, et soucieux également de ne pas reprendre purement et simplement les images négatives répandues par une certaine littérature coloniale.
Du point de vue de la construction d’un nouvel imaginaire de l’Etat au Congo, ce n’est pas cette dimension de la réalité historique qui est intéressante et capitale. L’intéressant et le capital se trouvent du côté du pouvoir traditionnel comme réalité imaginale, exactement comme pour l’Etat pharaonique. On ne perçoit cette réalité qu’à travers les principes fondateurs les plus féconds pour le vivre-ensemble dans une communauté historico-sociale. Bilolo Mubabinge et Kabongo Kanundowi ont définitces principes dans un excellent livre sur l’exercice du pouvoir dans le Royaume Luba.
Le premier principe est celui-ci : le pouvoir du chef est pour le peuple comme le pouvoir du peuple pour le chef (« Mukalenga wa bantu, bantu wa Mukanlenga »). Cette circumincession du pouvoir fait de celui-ci une responsabilité communautaire qui se diffuse par la recherche de l’unité et du bonheur partagé. Le pouvoir, c’est pour garantir l’unité et pour assurer le bonheur communautaire. L’Etat traditionnel n’a de sens que dans cette perspective de dynamisme créateur et promoteur de vie. Lorsqu’om fait recours à cette vision des choses, ce n’est pas pour exalter une quelconque Afrique qui étincèlerait dans le ciel éternel des béatitudes transcendantes, mais pour affirmer un principe régulateur sans lequel le pouvoir politique devient vide, dénué de toute crédibilité. Ce principe est une force de rêve anticipateur et mobilisateur, une énergétique de l’imaginaire.
L’autre principe régulateur qui se dégage de la recherche de Bilolo et Kabongo est celui des liens entre les générations comme base de validation du pouvoir[7]. Ce principe signifie que le pouvoir (bumfumu) s’exerce selon l’esprit positif des ancêtres qui en garantissent la fécondité tout comme il est une responsabilité à l’égard des générations futures au nom desquelles il s’exerce dans l’harmonie communautaire, pour améliorer les conditions de vie dans le  pays (bulongololi), maintenant et pour les siècles futurs.  Quand on sait que le champ politique est ainsi régulé, on ne peut pas se permettre d’exercer le pouvoir de n’importe quelle manière. On fait de lui une dynamique toujours contrôlé par les ancêtres et par les descendants dont les notables sont les représentants. Il n’y a donc pas de pouvoir absolu. Il n’y a que les pouvoirs qui se contrôlent et s’inter-fécondent, avec le chef comme garant des équilibres qui tournent autour de sa personne. Ici aussi, il n’y a pas lieu de croire que l’on décrit une réalité existante. On décrit un principe de fond qui doit porter et nourrir les rêves vitaux d’un peuple, ses utopies essentielles.
Il faut tenir ces deux principes de circumincession du pouvoir et des équilibres vitaux de la gouvernance comme ce sans quoi, dans la vision africaine de la politique, tout système de gouvernance s’effrite et s’effondre, faute de substance métaphysique.
Aujourd’hui, la tâche essentielle de la refondation de l’Etat en RDC est de tout faire pour que ces principes régulateurs ne perdent ni leur substance ni leur sens dans la cacophonie des dictatures féroces et des démocraties de façade qui plongent l’Afrique actuelle dans l’insignifiance politique. Il s’agit d’une exigence d’insérer  ce que l’Afrique, politiquement partant, a de plus haut, de plus de fertile et de plus authentique dans l’ordre de la gouvernance.

Réimaginer l’Etat moderne en Afrique
La modernité, comme on le sait, est caractérisée par un ensemble de traits et de valeurs de civilisation dont les plus fondamentaux sont les suivants : «exigence de rationalité, libre examen, émancipation vis-à-vis de l’autorité de la tradition, exigence de démocratie, développement es sciences et des techniques. »[8] Animée par le souci du progrès et de l’efficacité, elle a induit des idées politico-économiques de rationalisation et de bureaucratisation qui ont coupé la politique des normes traditionnelles où l’invisible jouait un rôle essentiel. En même temps, de par la puissance nouvelle qu’elle a conférée à la civilisation occidentale pour la conquête du monde, elle a imposé une politique fondée sur la souveraineté de l’Etat-nation comme entité de base et sur les relations internationales où les peuples dominés n’avaient pas la possibilité de se prendre en charge et d’assurer leur liberté créatrice. A l’intérieur même du monde occidental, la puissance de la science et de l’économie a fait basculer la politique dans des conflits meurtriers dont les deux guerres mondiales ont donné toute la mesure destructrice.
Il y a donc en la modernité une ambiguïté foncière qui pousse beaucoup de penseurs à chercher de nouvelles lumières en vue d’éclairer la politique et la gouvernance. De nouvelles lumières qui transcendent, c’est-à-dire dépassent et conservent en même temps, le noyau de l’ère moderne pour une autre vision de l’Etat.
Ce que l’on veut dépasser, c’est l’étroitesse d’une raison occidentale dominatrice et réductrice, au profit d’une raison plus vaste, ouverte aux forces les plus profondes de l’humain.  On veut dépasser aussi la morgue d’une science sans conscience et d’une technologie sans perspective de sens, au profit d’une techno-science sensible au bien de l’humanité et aux exigences de la sauvegarde de la vie et de la création.
En même temps que l’on dépasse ainsi la modernité, on veut en garder les acquis du libre examen, du développement des droits humains et de la promotion de la démocratie au sens plein du terme.
La greffe de la modernité ainsi conservée et dépassée n’a pas pris en Afrique, et  plus particulièrement au Congo où la logique de la rationalité démocratique a été étouffée par les dictatures irrationnelles et absurdes. L’Etat moderne s’est trouvé plombé par les atavismes fétichistes et les archaïsmes des traditions précritiques qui ne pouvaient conduire qu’aux échecs de l’indépendance.
Comme toute greffe qui n’a pas pu prendre, l’Etat a subi un phénomène de rejet de la part d’une société dont il n’incarnait ni les aspirations ni les ambitions. Plus grave : il a pris ce que la modernité avait de plus faible, la barbarie dominatrice, et a laissé dans l’ombre ce qu’elle a de plus fécond, l’ambition de progrès novateur pour le bien-être des populations.
D’où ses politiques ubuesques au temps de Mobutu au Congo et ses incompétences en matière de gestion, d’administration et de gouvernance modernes.
D’où aussi sa culture d’incompétence et d’incapacité à forger une personnalité d’inventivité et d’innovation dans un monde où le vrai capital pour maîtriser l’avenir est le capital humain créateur : l’homme créateur comme moteur et levier du développement, pour reprendre la vision du philosophe camerounais Ebénézer Njo Mouelle.
L’ère post Etat-nation : perspectives du Tout-Monde
Aujourd’hui, le monde est dans les douleurs d’enfantement de l’ère post Etat-nation. La nation, avec tous ses repères classiques de souverainet, chancelle et craque de partout.. Prise dans les vertiges de la mondialisation et de l’altermondialisation, la nouvelle ère pousse les entités étatiques existantes à s’unir dans des constellations plus vastes et à construire de nouvelles rationalités organisatrices et gestionnaires tendues vers une gouvernance planétaire.
Dans ce contexte nouveau, on ne peut pas poser le problème de la refondation de l’Etat congolais comme si le Congo était encore dans la perspective d’un Etat-nation souverain au sens ancien du terme. On ne peut penser la refondation qu’en termes de fondations de nouvelles orientations d’intégration et d’inscription dans des nouvelles logiques d’alliances et des réseaux mondiaux dont il revient à la politique de canaliser les effets pour le bonheur des populations. La question centrale est la place qu’il faut assumer dans ce nouveau cadre et la manière dont on se pense comme lieu de nouveaux liens avec ses voisins, avec le continent dans son ensemble et avec le monde comme champ global d’action.
Dans une telle pensée, le passé des sources pharaoniques de l’Etat et le souffle positif des royaumes et empires africains traditionnels dans leur philosophie du pouvoir sont des atouts majeurs. Dans leur limon, ils constituent ce que l’Afrique et le Congo ont à offrir au rendez-vous du donner et du recevoir mondial, comme aurait dit Senghor. Dans l’ère du Tout-Monde dont parle Edouard Glissant, ils ouvrent la voie à l’utopie de la politique de l’humain, de la politique du bien, de la politique de civilisation sans lesquelles le Tout-Monde ne sera pas du tout le Tout-Monde. C’est à partir d’eux que l’héritage politique de la modernité pourrait être reconfiguré par l’imaginaire d’une modernité africaine ayant digéré toute l’histoire politique du monde à partir de la réimagination africaine du passé et du présent du continent, dans une vaste utopie d’un nouveau monde possible.
L’Etat congolais sera alors une réalité imaginale  à inventer dans la réimagination de la politique du monde dans son ensemble et non une vue étroite d’une petite identité nationale au centre de l’Afrique.
C’est cet Etat là qui devrait être dans tous nos rêves, dans toutes les pulsations d’inventeurs d’une nouvelle destinée pour le monde dans son ensemble.
Le jour où les Congolaises et les Congolais comprendront cela, la respiration de la politique au Congo changera d’amplitude et de modulation. Nous serons le Congo-Monde, terre d’accueil, terre d’avenir, terre de vision, terre d’ouverture, terre de puissance créatrice. Avec un Etat à la dimension de cette vision, de cette volonté et de cette espérance.

Conclusion
J’avais cette plantureuse vision en tête au moment où décollait l’avion de Brussels Airlines qui me ramenait au Cameroun  par une belle nuit calme. J’ai regardé du haut du ciel les lumières de la ville. J’ai ressenti un profond sentiment d’amour pour mon pays et tout mon esprit fut envahi par la figure du poète qui m’a accueilli, guidé et orienté dans Kinshasa durant tout mon séjour : François Médard Mayengo. J’ai pensé à ce qu’il a cherché à me faire comprendre dans sa parole poétique et dans sa force d’humanité, à savoir que  la politique est l’art de rêver un nouveau monde possible et d’imaginer les moyens de le construire.
Ce fut sans doute là la plus belle leçon de ma saison à Kinshasa, manifestement.



[1] Laënnec Hurbon, Ernst Bloch, Utopie et Espérance, Paris, Cerf, 1974, p. 37.
[2] L’expression est de Louis Marin. Elle est reprise par Laënnec Hurbon pour parler de laforce et de la valeur de l’utopie.
[3] Laënnec Hurbon, Ibid., p. 58.
[4] IErnst Bloch, cité par Laënnec Hurbon.
[5] Eloi Messi Metogo,“Religions, christianisme et modernité : quelle mission pour le second synode ? » in Joseph Ndi-Okalla (sous la direction), Le deuxième synode africain face aux défis socio-économiques et éthiques du continent, Paris, Karthala,2009.
[6] Paris, Editions du Sueil, 1968.
[7] Kabongo Kanundowi. et Bilolo Mubabinge, Conception Bantu de l’Autorité. Suivie de Baluba : Bumfumu ne Bulongolodi, Publications Universitiares Africaines, Munich-Kinshasa, 1994.
[8] Eloi Messi Metogo, art. cit,, p.27

1 commentaire:

  1. Ma premiere observation est que ni le prof. Ka-Mana ni les intellectuals Congolais dont il rapporte les point de vues ne semblent pas remettre en question l'Etat Congolais tel que nous l'avons herite de la colonisation. Le pouvoir colonial avait concu le Congo-free state comme un espace economique, le Congo-belge qui l'a suivi apres 1908 etait toujours un espace extractif, pour extraire les minerais et d'autres richesses qu'on envoyait vers la metropole. Meme les routes ou chemins de fer etaient contruits des points d'extraction vers les ports d'evacuations. Maintenant, pour passer d'un espace economique a un espace politique, il aurait fallu un consensus populaire, qui ailleurs s'etait solde par des revolutions (Anglaise, Francaise, Americaine) car la rupture qu'exige le passeage de l'espace economique vers l'espace politique est generallement tres violente. Nous n'avons pas eu cette phase revolutionnaire d'ou devrait naitre un second consensus ou contrat social et surtout territorial dans la maniere de gouverner les aspirations des habitants de cet espace.

    Deuxiement, l'analyse et la conclusion du prof Ka-Mana me rappelle les types de resistance passive de James Scott dans le "Weapon of the Weak." Dans un article dans African Studies Review, je parle de trois types de resistance, a) la resistance par commerage (les gens savent et peuvent meme articuler ce qui devrait etre fait, mais n'ont pas le pouvoir de changer les choses), b) la resistance par AK47 (des miliciens qui refusent au gouvernement le controle d'un territoire, generalement autour des mines: dans ce type de resistance malheureusement, les civils sont aussi mal traites que dans la partie controlee par le gouvernement), et C) enfin la resistance que moi je vois chez les Nande qui arrivent a creer une sorte de pre-carre economique et politique en tablant sur une certaine cohesion ethnique et en soudoyant l'Etat central pour qu'il les laisse tranquille (nous pouvons en discuter plustard).

    Je vois dans les esperances du prof Ka-Mana le premier type de resistance qui par nature, n'a pas de capacite de changer les choses. C'est exactement comme les decennies de diagnostiques que la Conference episcopale du Zaire d'abord, et du Congo ensuite fait. Des diagnostiques justes, mais qui ne sont jamais suivi de traitements adequats. La justesse de l'analyse ne provoque pas necessairement l'impulsion pour l'action immediate. Nous sommes a un tournant de l'histoire du pays ou nous savons plus ou moins clairement ce que nous voulons du pays, la phase des analyses est passee, c'est maintenant le moment de la transformation ou de l'action. Une transformation qui sera informee par les multiples analyses que nous avons ingurgitees pendant des decennies.

    Concretement, comment passer du premier type de restance, a une resistance transformatrice?

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