mercredi 24 avril 2013

QUEL EST LE BILAN POLITIQUE DE LA GUERRE EN RDC ?


QUEL EST LE BILAN POLITIQUE DE LA GUERRE EN RDC ?

Par Kä Mana

En attendant l’arrivée de l’armée interafricaine que l’on présente aujourd’hui dans les médias officiels comme la solution définitive à la tragédie congolaise, est-il possible de tenter un bilan politique  raisonné de la guerre et des crises dans l’est de la RDC depuis le génocide rwandais ? Je crois que c’est le moment de le faire et cette réflexion est consacrée à cette tâche.

Les phases d’une tragédie
            Ce qu’il convient de savoir, c’est le fait que cette guerre a eu trois grandes phases liées à des vicissitudes multiples et qu’elle entre maintenant dans la quatrième phase qui l’éclaire d’une lumière politique dont tous les peuples des Grands Lacs devraient prendre conscience.
La première phase a été celle de la prise de Kinshasa par l’AFDL, avec la fuite de Mobutu et l’effondrement de son régime. Le Rwanda fut politiquement le grand vainqueur de cette phase : il permit à Laurent Désiré Kabila de prendre les rênes du pays et d’installer dans la capitale un système dans lequel les populations congolaises placèrent beaucoup d’espoirs avant de déchanter rapidement devant les dérives autoritaires et les contradictions dans les objectifs des leaders congolais et des leaders Rwandais qui composaient  le camp de vainqueurs. Mais le triomphe du Rwanda dans la prise de Kinshasa fut triste et éphémère. Par arrogance, par  mépris face au peuple congolais de la part de l’armée rwandaise, le pouvoir de Kigali ne sut pas comment gérer sa victoire. Son triomphe se retourna vite contre les vainqueurs. Ceux-ci avaient commis l’erreur de prendre le Congo comme un butin de guerre alors qu’il aurait fallu le considérer comme une terre offerte fabuleusement pour un nouvel axe politico-économique Kinshasa-Kigali, en vue d’un grand projet et d’une grande ambition dont la puissance de la région des Grands Lacs aurait été l’enjeu de fond. Ce ratage d’enjeu aboutit au retrait de l’armée rwandaise de la RDC.
Ce fut le début de la deuxième phase de la guerre. Celle-ci fut celle d’un imbroglio où armées, milices, groupes mafieux et forces du grand banditisme national ou international furent du Congo une terre d’absurdités meurtrières, avec la bénédiction manifeste d’une communauté internationale dont les intérêts, depuis le temps du président américain Bill Clinton, étaient absurdement liés à l’intrusion d’une économie du chaos au Congo. Le Rwanda, une fois de plus, remporta cette guerre de l’est, après l’accord de l’Hôtel Ihusi signé en 2009 entre les rebelles du CNDP et le gouvernement congolais. Il disposait à Kinshasa d’un gouvernement qui lui devait tout, qui lui avait ouvert les rangs de l’armée congolaise et qui s’était joint à lui pour la traque des ennemis jurés de Kigali : les Interhamwe du FDLR. A cette phase aussi, il y eut ratage de cible. Au lieu de construire un grand projet de la puissance et de la grandeur de la région des Grands Lacs, les gouvernements de Kigali et de Kinshasa jouèrent au chat et à la souris. Kigali géra mal sa puissance en s’y enfermant, sans proposer un leadership capable d’engager les deux pays et les deux peuples dans la construction d’une destinée commune fondée sur une éthique communautaire. Kinshasa chercha à s’échapper à l’étreinte étouffante du Rwanda en trahissant insidieusement les accords signés. Il le fit soit par souci de souveraineté inaliénable, soit par soutien nocturne aux ennemis du Rwanda à qui ils fournissait des armes, soit par  quête d’une puissance destinée à ouvrir à la nation congolaise une place de grande envergure dans le concert des nations. Une fois de plus, le triomphe du Rwanda se retourna contre lui, faute d’une bonne vision des objectifs plus élevés et plus ambitieux à donner à la guerre : construire la puissance, la grandeur et le développement pacifique de la région des Grands Lacs. En l’absence d’une éthique de la confiance mutuelle entre Kinshasa et Kigali, tout dériva dans des intérêts à courts termes. Avec un Rwanda sûr de son armée pour vassaliser d’une manière ou d’une autre la RDC et un Congo sûr de ses richesses. Un trésor immense à hypothéquer à long terme auprès d’autres gouvernements, selon une stratégie qui consisterait à sortir de la guerre par la mobilisation politique et diplomatique de tous ceux que le Rwanda a humiliés et que son modèle de développement par la force agace dans le monde.
C’est par une inébranlable foi en cette stratégie que le Congo a toujours accusé son voisin d’être la cause de la troisième phase de la guerre : celle du M23. A force de croire en cette option, le gouvernement congolais n’a plus vu que le vrai problème n’était plus le Rwanda, mais le Congo lui-même : son manque d’Etat solide, son déficit de gouvernance responsable et l’absence de confiance réciproque entre les dirigeants du pays et le peuple meurtri par une politique sans boussole. Kinshasa se mit  à internationaliser la guerre en diabolisant le Rwanda à travers des multiples rapports d’experts mondiaux sur l’engagement de l’armée rwandaise dans la crise congolaise. Il crut suivre un bon filon. Le Rwanda y perdit ses plumes : certains bailleurs de fonds lui retirèrent leur aide, dans le but manifeste de lui faire plomber son modèle de développement autoritaire et musclé, carte maîtresse de son image dans le monde. Mais à force de croire qu’il se débarrassait ainsi de la menace rwandaise, le Congo ne vit même pas le vrai danger et la vraie menace sur sa tête : la communauté internationale qui donna pleins pouvoirs au Raminagrobis des Nations-Unies pour mettre Kinshasa sous tutelle et prendre en main les rênes des relations entre le Rwanda, l’Ouganda et la RDC. C’est cette communauté de tutelle qui est le grand vainqueur de la troisième phase de la guerre.  Dans les griffes des Nations Unies décidées à imposer un nouvel ordre dans la région des Grands lacs, ni le Rwanda, ni la RDC, ni un quelconque groupe armé ne peuvent redevenir les maîtres du jeu. La région des Grands Lacs et ses richesses dépendent maintenant de ce que voudront les maîtres du Monde.
Maintenant commence la quatrième phase de la guerre dans l’est de la RDC, la vraie guerre pour la région des Grands Lacs : la guerre de notre libération commune, de notre grandeur, commune de notre puissance commune et de notre commune destinée en tant que peuples dignes, responsables et engagés dans un développement pacifique communautaire, au service d’un autre monde possible. Le rêve d’une humanité généreuse et solidaire. C’est la guerre de l’éducation.
La guerre de l’éducation à la liberté et à la responsabilité communautaire
           Si je mets en lumière le rôle fondamental de l’éducation comme exigence à la fin de l’analyse que je viens de proposer, c’est parce que je suis convaincu que la vraie guerre de libération par rapport  à la tutelle mondiale, en RDC comme dans la région des Grands Lacs, ne sera pas une guerre, totalement négative, des kalachnikovs et des bombes. C’est une guerre, totalement positive et fertile, des cerveaux, des consciences et des cœurs, pour un autre vivre-ensemble possible. Elle sera également une guerre, totalement positive et créative, pour mettre sur pied de nouvelles institutions et de nouvelles structures sociopolitiques régionales, afin de  régir et réguler avec fécondité cet être-ensemble.
     Une guerre pour changer les imaginaires. Il convient d’entendre par là un renouveau culturel et normatif, pour reprendre les mots de Bruce Russel. Il s’agit de rompre avec tous les conditionnements de la culture de la haine, de la violence, du mépris et de la mort que la guerre a créés autant qu’elle a été elle-même créée par ces conditionnements dans l’esprit dans les cerveaux et  les cœurs des hommes. Contre une culture devenue meurtrière et un contexte d’accoutumance à la destruction comme mode d’être, la solution ne peut être que dans un projet global d’une éducation alternative pour un changement global d’imaginaire. Changement de représentations, d’idées, de visions et des images que les personnes et les groupes ont des relations qu’ils entretiennent les uns avec les autres. Cela exige un nouvel ordre de révolution : une révolution éthique que seule un renouveau de la formation humaine dans les profondeurs de l’être peut rendre possible, à l’échelle des valeurs du vivre-ensemble. L’imaginaire et les principes de la guerre ont conduit à la catastrophe. Il est temps de bâtir une nouvelle destinée commune pour les pays et les peuples des Grands Lacs, dans le rayonnement d’un nouvel imaginaire de paix et du bonheur partagé. C’est là le grand enjeu du futur.
          Une guerre pour un renouveau institutionnel et structurel.  Il s’agit d’imaginer de nouvelles structures et de nouvelles institutions politico-sociales, sur les cendres de vieilles structures et institutions qui ont déjà fait preuve de leur inefficacité et de leur fragilité. La guerre dans l’est de la RDC a été une guerre menée et attisée par des pays dont la caractéristique commune est qu’ils sont des pays à régimes politiques autoritaires à l’intérieur de leurs frontières. Ces pays ne peuvent pas faire recours à un esprit démocratique qui engage les aspirations profondes de leurs peuples dans l’analyse des problèmes de relations entre voisins. D’où le fossé qui sépare les politiques de guerres menées par les Etats et la dynamique du commerce transfrontalier vécue par les populations. D’où, en même temps, un décalage très manifeste entre les discours des autorités politiques, dicté par les stratégies politiciennes, et le souci des peuples pour vivre dans une harmonie vraie, en libérant leur génie créateur commun en matière du commerce, de l’éducation, de la culture et des arts. La révolution à faire à l’échelle des structures et des institutions, c’est celle d’un renouveau démocratique dans tous les pays de la région des Grands Lacs, afin de permettre l’émergence des relations internationale de paix et de prospérité commune partout. C’est là aujourd’hui, l’enjeu de l’avenir. La RDC le sait, elle qui a perdu dans la guerre  tout pouvoir de liberté, de responsabilité et de créativité autonome et qui ne peut le retrouver que dans un système de foi, de crédibilité et de confiance entre le peuple et les autorités légitimes, avec des contre-pouvoirs légitimes pour animer une démocratie fertile. Le Rwanda le sait aussi, lui dont le modèle de développement a été plombé par un certain assèchement financier décrété par certains pays démocratiques  comme mesure de rétorsion, sur la base des rapports d’experts internationaux aux intentions multiples et contradictoires, concernant la situation en RDC. La critique de l’autoritarisme, même éclairé, tel que les rapports internationaux l’ont développée signifie que la distinction est aujourd’hui claire entre le régime politique et ses intérêts propres d’une part, et d’autre part le peuple rwandais dans ses aspirations profondes, qui ne peuvent pas être celles d’un imaginaire guerrier. S’il se démocratise en s’ouvrant à toutes les aspirations de ses populations, le régime en place  fera rayonner une démocratie dont la puissance du développement politique, économique, social et culturel sera le ferment d’une paix pérenne, force absolue de promotion des valeurs d’humanité entre les peuples. Quant à l’Ouganda, il sait maintenant qu’à long terme, la guerre, quand on la provoque rien que pour des intérêts personnels et socio-stratégiques des dirigeants d’un Etat, ne paie pas, surtout dans un contexte mondial de la région des Grands Lacs dont les richesses peuvent être tout aussi bien des enjeux de guerre que des enjeux de paix. Les enjeux de guerre paient à court terme, dans une économie de chaos mafieux. Mais ils cessent de l’être à long terme, quand les Etats comprennent à un moment ou à un autre que la paix est plus rentable que la guerre dans les relations internationales, surtout quand les intérêts financiers sont de taille, comme en RDC aujourd’hui. 
          C’est dire que maintenant., il n’y a pas de doute sur une réalité : les pays qui ont été l’épicentre de la tragédie dans l’est du Congo-Kinshasa ont intérêt à réorienter leurs politiques d’ensemble, de gré ou de force, par la création et l’animation de véritables institutions et  structures de paix, pour créer une communauté des libertés créatrices, en vue du développement pacifique. Il ne s’agit pas là d’un vœu pieux moralisateur, mais du pur réalisme politique pour casser l’étau de l’ordre mondial de plus en plus tenté par un régime de tutelle quand les Nègres se montrent incapables de gouverner des Etats modernes. Pour échapper à un tel destin, le renouveau éducatif dans toute la région des Grands Lacs est un impératif de fond, dans un imaginaire de liberté rayonnant au cœur des institutions de liberté. L’avenir est à ce prix. Il sera éthique ou il ne sera pas.


1 commentaire:

  1. Pour diminuer la croissance démograohique dans la Région des Grands Lacs, il faut distribuer les armes dans la Région et laisser les Nègres s'entretuer. Le Congo perd les vies humaines dans cette guerre. Le Rwanda perd. L'Ouganda perd. La Dignité de l'Homme Noir est diminuée dans cette tragédie. Vous qui êtes à l'Est, allez à Kampala, à Kigali, à Bujumbura pour expliquer aux Dirigeants qu'il est temps de stopper le Négrocide et l'Afrocide.

    Imaginez-vous que Museveni a parlé de Bantuphonie avant moi et que la Philosophie Bantu de l'Être est sortie de la main d'un Kagame (le prêtre), et aujourd'hui un autre Kagame (petit-fils du premier) et le même Museveni semblent oublier les implications politiques, mieux les impératifs pratiques de la renaissance de la Bantuphonie, de l'Unité des Nations Nègres en général et des Nations Bantu en particulier!

    Dr. M. Bilolo

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